En vélo vers la Bretagne.... C'était l'été 1971...
Publié le 6 Avril 2016
Eté 1971 !
Quand j'ai annoncé à ma grand-mère que j'allais partir en vélo vers la Bretagne avec un de mes amis de fac, elle a d'abord cru que je me moquais d'elle...
Quand elle m'a vu réviser le vélo 'Motobécane' rouge muni d'un seul plateau à l'avant et de trois vitesses à l'arrière (Dérailleur 'Simplex', s'il vous plait !)... quand elle m'a entendu couper un morceau de tube de chauffage central au garage pour relever la selle... puis vérifier pneus et chambres à air, huiler la chaîne, tester les freins et monter un porte-bagages avant sur le vélo de ma mère, elle a frisé l'attaque d'apopléxie !
Marc, un ami habitant Boulogne-sur-mer, avait émis l'idée de se rendre à Saint-Briac sur mer en vélo, où ses parents avaient une petite maison de vacances. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire nous étions subitement deux participants au voyage.
Il avait plu à verses tout le mois de juin et la "météo" à la maison n'était pas au beau fixe non plus.
"Tu es fou, tu n'as pas d'entraînement, tu ne te rends pas compte des kilomètres, du mauvais temps, de la pneumonie que vous allez attraper...et le vélo, c'est un vélo de femme... il ne tiendra jamais le coup,.... et si vous avez un accident ?... et comment allez-vous faire pour dormir ? .... et traverser Paris !!!....etc, etc..
Toutes les tentatives pour ramener le fils ainé à la raison échouèrent et le 1er juillet 1971, Marc arriva avec son bardas, ayant fait un Boulogne - Montagny Sainte Félicité (Oise) en deux étapes. Jour 1 : Boulogne-sur-mer à Amiens, ville que nous connaissions bien, car c'est là que nous faisions nos études. Jour 2, Amiens à Montagny où je l'attendais chez mes parents.
Miraculeusement, le 1er juillet le temps se mit au beau fixe pour un mois qui allait être caniculaire.
Cet extraordinaire premier voyage vers la Bretagne s'est déroulé il y a 45 ans !
Si je suis en mesure d'en donner quelques détails aujourd'hui, c'est grâce aux cartes postales que j'envoyais à l'étape le soir et que mes parents avaient précieusement conservées. La lecture des quelques mots qui relataient ces merveilleuses journées insouciantes passées à traverser la France en vélo a réveillé une mémoire que je croyais effacée à jamais et que je partage bien volontiers dans cet article.
Beaucoup de détails se sont estompés avec l'usure des neurones, mais ce voyage revit malgré tout à travers la désuétude des photos, des cartes et des commentaires rapidement griffonés.. On venait d'avoir 20 ans... alors c'était forcément magique !
Car, contrairement à d'autres périodes de la vie, la jeunesse restera toujours synonyme de soleil et de lumière, de brises d'été et d'une éternité devant soi pour accomplir tous les projets les plus fous.
La Tour Perret à Amiens, 1er gratte-ciel français; 104m de haut; 27 étages. Vue de la fin des années '60.
Après les adieux et les recommandations d'usage, on se mit en route, direction Paris, au matin du 3 juillet, avec l'idée de traverser la capitale de part en part et de viser Chevreuse, notre première étape.
Pas question de louper la Concorde ni les Champs Elysées.. même si, en ce qui me concernait, l'accoutrement manquait quelque peu de respect vis-à-vis de la capitale... mais mon grand-père aurait été fier de me voir porter son short..
A 18h45, ce premier jour, on atteint bien Chevreuse et on campera dans une prairie. La carte envoyée aux parents ne dit pas si les mollets avaient souffert.. Le soleil, lui, avait bien tapé.
Remise en route le lendemain vers Chartres avec un arrêt à Maintenon pour admirer l'acqueduc.
Louis XIV l'avait commandé en 1686 pour alimenter Versailles. Il ne fut jamais terminé, faute à la guerre de 1689.
On passera pas mal de temps à en admirer le gigantisme.
Chartres fut atteint sans trop de difficultés. Les mollets commençaient à chauffer bien que la Beauce soit plutôt plate... (les côtes étaient déjà une hantise, et dans le cas présent, démultipliée par les limitations de performance de la monture...)
Après l'étape du soir au camping de Chartres, remise en route en direction de Mortagne au Perche. Là, le relief n'était plus du tout le même, surtout dans les derniers kilomètres. Néanmoins, il n'était pas question de louper une visite de la ville, perchée en haut de la côte...
On y arrive le lundi soir 5 juillet à 19h30.
Mardi 6 juillet, l'objectif était Mayenne mais c'était sans compter la traversée des Alpes Mancelles qui ont considérablement réduit la moyenne, puisque, harnachés comme nous l'étions, celle-ci n'a pas dépassé 7km/h sur 24 km !!
Malgré tout on parviendra à effectuer 84 km dans la journée !
On n'atteint pas Mayenne, mais un bourg qui s'appelle Villaines-la-Juhel, situé tout de même dans le département de la Mayenne, à 20km de la ville du même nom.
La journée fut encore une fois très chaude, m'obligeant à acheter un baume pour calmer la brûlure que le soleil avait occasionnée sur mon mollet côté 'sud'..
Mercredi 7 juillet, on atteint Fougères. Après une visite de la ville et du château, ce sera hébergement au camping municipal.
Le château de Fougères, vu du ciel... "Un vieux château flanqué de vieilles tours, les plus superbes du monde" V. Hugo.
Jeudi 8 juillet 1971, 16h00, arrivée triomphale des cyclistes à Saint-Briac sur mer.
538 km d'insouciance et de bonheur. Désolés que ce soit fini au moment où l'on commençait à pédaler sérieusement... Mais que de souvenirs !!
Quelques jours de vacances au soleil (qui ne faiblissait toujours pas) et puis ce sera un long retour en train. Le vélo appréciait de ne pas avoir à faire la route en sens inverse...
Le cycliste aurait bien continué..
Il le fera, 40 ans après, car sans qu'il le sache, la graine du cyclo-tourisme était semée...