En vélo en Irlande du Nord et Eire - 6ème édition des Voyages avec ma Fille.
Publié le 23 Octobre 2018
La première partie du périple a eu lieu en Irlande du Nord. La seconde en Eire. Les cartes ci-dessous résument les deux parcours.
Autant cela a été aisé de résumer les voyages précédents que j'ai effectués avec ma fille, autant cela m'a paru compliqué de démarrer la rédaction du présent article.
Car aux lieux d'histoire ancienne, aux mythes et légendes que la géographie magnifique a peu à peu submergés, et où le ressenti d'aujourd'hui passe essentiellement par le nerf optique et les oreilles, a succédé un voyage qui a parlé le plus souvent au cœur et aux tripes.
En Irlande du Nord (province d'Ulster, faisant partie du Royaume - Uni), la géographie est toute aussi grandiose que dans la République, mais ici, plus qu'en Eire, on prend le drame de l'Irlande en pleine face, que ce soit dans les quartiers tristes des villes visitées ou dans les pimpantes bourgades côtières. Signes et symboles sont là pour entretenir le souvenir.
Notre voyage a fait des bonds considérables à travers deux 'pays' et 60 000 000 d'années d'histoire. Tout d'abord en Ulster, à Belfast et Londonderry; puis de Castlerock, le long de l'extraordinaire côte, vers la Chaussée des Géants et son site à couper le souffle; Dark Hedges pour les fanas de "Game of Thrones"; Belfast de nouveau, pour vivre le drame du Titanic, construit aux chantiers navals Harland & Wolff...
En Eire : c'est Newgrange et son tumulus néolithique, ses triskels et autres gravures mystérieuses; Bective et son abbaye cistercienne; la colline de Tara, capitale mythique de l'Irlande; Dublin, Trinity College et le Livre de Kells.. pour ne citer que les principaux lieux visités..
Soleil, pluie et tempête, mer d'huile et vagues de surf, sable fin à l'infini, galets, rochers, falaises vertigineuses, ciel sans limites, fous de bassan, routes scéniques, fuchsias, bruyère, forêts de pins, moutons à perte de vue, châteaux hantés, paysages sublimes, couleurs -le vert domine- ...lumière... musées exceptionnels... mais surtout, rencontre d'un peuple chaleureux, super accueillant et généreux, toujours aux petits soins pour les cyclistes que nous étions.
C'est malgré tout l'histoire du siècle dernier qui a donné le ton au périple : luttes sanglantes pour l'indépendance de la république d'Irlande, que rappellent de nombreux monuments vus en Eire... mais surtout, plus récemment, les drames vécus par les communautés d'Irlande du Nord.. plaies encore vives de part et d'autre des "lignes de démarcation", foyers de méfiance et de rejet malheureusement encore entretenus et attisés par des esprits d'un autre temps mus par des idéologies d'intolérance, de mépris de l'autre et d'ego/intérêts personnels.
14 septembre : mise en route. Paris - Morlaix - Roscoff et à bord du 'Pont-Aven', devenu au fil des ans, un 'vieil ami'.
La route, on commence à la connaître. En effet c'est la troisième fois qu'on l'emprunte, l'Irlande étant un aimant irrésistible pour les cyclos que nous sommes. Une fois encore on est seuls dans la "bétaillère" du TGV jusqu'à Rennes. Un peu plus tassés dans le TER jusqu'à Morlaix . Il fait beau et la balade le long de l'estuaire menant à Roscoff est un bonheur, d'autant plus que l'on n'est pas pressés.
Sacrilège ! Pas de Kouign Amanns à la pâtisserie de St Pol de Léon ! Faudra attendre le retour. Au port ce sera une longue attente mais cette fois, les deux-roues sont les premiers à embarquer. On retrouve rapidement nos repères à bord, même si l'on a parfois l'impression de parcourir un labyrinthe pour trouver la cabine.. Un bon dîner clôt la soirée. Au lit de bonne heure. Demain, c'est le vrai départ de l'aventure.
15 septembre. Cork - Galway - Dublin - Belfast... Une journée en train...
Levés de bonne heure pour le petit déjeuner pris dans le self du navire, et, "croisière" oblige, promenade sur les différents ponts pour observer la mer et l'approche de l'Irlande. Vent, ciel gris mais pas de pluie. Des dauphins s'amusent à suivre le bateau, faisant quelques bonds puis disparaissant au fond de l'eau. Après le passage du phare balisant l'entrée de la rade on nous annonce enfin qu'il est temps de descendre au pont N° 3, là où nous avions laissé nos vélos hier soir. Rien n'a bougé. Remontage des sacoches, montage rétros à la poignée droite des guidons. Quelques minutes après 10h00 on a quitté la zone portuaire, en route pour le pub "Shamrock", balisant la petite route permettant de rejoindre Monktown puis la véloroute de bord de mer, direction centre-ville Cork. Première belle rencontre : un homme sortant du petit magasin à côté du pub nous offre une boite de biscuits "pour la route". Ils se sont avérés bien utiles durant les heures de train qui nous attendaient.
A 11h45 on est à la gare de Cork-Kent. Cette année, le trajet vers Belfast a été difficile à finaliser. Pour diverses raisons, le site web des chemins de fer irlandais ne permettait pas d'acheter les billets plus d'une semaine avant le départ et lorsqu'enfin l'accès devint possible, il est apparu que le tronçon Cork - Dublin ne pouvait se faire avec les vélos pour cause de travaux occasionnant un transbordement vers des autocars pour une section du trajet. La seule option pour nous était de faire un Cork - Galway, puis Galway - Dublin, ajoutant, outre les désagréments de changements de train, plusieurs heures de voyage à une journée déjà longue. Heureusement pour nous, le train Cork - Galway fut direct, sans changement à Limerick Junction comme on le craignait.
A 17h20 on était dans le train de Galway à Dublin. Vélos debout dans les goulottes prévues à cet effet. Arrivée prévue juste après 20h00. Remontage des ânes et mise en route, à toute allure, le long de la Liffey, le fleuve traversant la ville, direction la gare de Dublin Connolly. Il fait nuit, la chaussée est envahie par les bus à impériale et la circulation dingue du samedi soir. Les trottoirs sont bondés..pas question de regarder le paysage si l'on veut arriver entiers à la gare. Tête dans le guidon je surveille Jenny qui colle à ma roue arrière. Les pistes cyclables sont sur la route. Les ponts défilent à droite. Petite erreur de parcours vers la fin, rapidement corrigée. La gare de Connolly est en hauteur par rapport au niveau de la rue. Je ne vois pas d'ascenseurs alors ce sera un accès par escalator, selon la technique bien rodée avec Rémi. (vélo très penché contre son cavalier qui le tient au guidon, retenu à l'arrière par le deuxième cycliste pour éviter un glissement sur les marches métalliques).
En un rien de temps on est sur le quai N° 2. Le compartiment vélos est vaste mais manque d'attaches murales. Des sandows feront l'affaire.. Nos places sont un peu plus loin, dans un wagon jouxtant le bar...devenu rapidement annexe du bar tant l'ambiance y est festive... Chansons, cris, boissons à gogo et rigolades, mais aussi pleurs et vagissements de la vieille copine saoule d'un des fêtards en goguette nous accompagnent sur le dernier tronçon. Surtout ne croiser personne du regard pour éviter d'être happé dans la fête...
A Portadown, vingt minutes avant l'arrivée à Belfast, la troupe quitte le train après d'ultimes échanges avec des passagers imprudemment entrés dans le jeu. Soudain c'est le calme, un vide absolu, que l'on apprécie malgré tout, après pratiquement deux journées de voyage.
L'hôtel est trouvé sans problèmes, les vélos garés dans la salle de réunion et les cyclistes direction l'horizontale pour un repos bien mérité.
16 septembre. Belfast - Cullybackey
La météo est au beau. Après un solide petit déjeuner, on quitte l'hôtel suivant le tracé défini pour sortir de Belfast en direction d'Antrim (ouest), en restant le plus possible sur les petites routes de campagne. On n'avait aucune idée de ce qui nous attendait au plan physique ou émotions... Partant de University Street c'est d'abord University Rd vers le nord, puis Hope St et Grosvenor Rd, plein ouest. A droite dans Cullingtree Rd et à gauche dans Albert Street, vers Northumberland Rd et Shankill.
A l'intersection avec Falls Road /Divis Street, (A501), alors que rien ne nous avait préparé à ce que l'on allait découvrir, on "tombe" sur un grand nombre de peintures murales aux messages politiques et humains très forts. Toute l'injustice de la planète semble s'être concentrée sur cet "International Wall" et sur les murs adjacents, recouverts de revendications et de paroles des opprimés de toute nature.
Pacifistes et martyrs de la lutte armée irlandaise et étrangère, grévistes de la faim morts en prison, Palestiniens évincés de leurs terres, Africains Américains combattant pour l'égalité, Catalans Indépendantistes, défenseurs des droits civiques, sans oublier tous les laissés pour compte dans la mondialisation galopante... Tous se côtoient sur ces murs qui en disent long sur le chemin qui reste à parcourir pour que la dignité humaine soit enfin réalité.
On pleure d'émotion devant tant d'injustice qui nous est subitement jetée à la figure. 'The Troubles" terme hypocrite (tout autant que ce que l'on appellait les "Événements d'Algérie"...) qualifient les luttes fratricides ayant déchiré et endeuillé le peuple de l'Ulster jusqu'à la signature des accords du Vendredi Saint en 1998.
"The Troubles" des années 60, 70, 80... semblaient, vus de France, un combat lointain, mené sur une autre planète, blanc contre noir, bon contre méchant, le curseur des responsabilités se déplaçant au gré des reportages. Ça paraissait simple.. C'était la faute de l'autre. Soudain, confrontés à tout cela, sans préparation, dans un des épicentres de l'horreur, (l'autre étant Londonderry), on est amenés à se rendre compte que les responsables sont dans les deux camps et que tant que le passé décidera de l'avenir, il n'y aura aucune chance de s'en sortir...
La "ligne de démarcation" est là, devant nous : deux solides portes en métal qui fermaient la route séparant Irlandais catholiques des Irlandais protestants. Des barbelés coiffent les murs. Entre les deux communautés, un 'no man's land', dont un des murs porte une fresque intitulée 'Imagine'... En face, une croix, la Croix des Croix, symbolisant 45 années de conflits en Irlande du Nord... Lénine disait que la religion est l'opium du peuple. Ici, cette même religion, Chrétienne, faut pas l'oublier, continue de détruire toute chance de réconciliation réelle...
Au bout de Northumberland Road on vire à gauche dans Shankill Road et c'est le deuxième choc !
Ici on est dans la zone protestante, unioniste, orangiste, des tenants de la légalité de la présence anglaise en Ulster. Le Union Jack (drapeau anglais) flotte partout : aux devantures de magasins, en banderoles zig-zaguant à travers Shankill, devant les églises, partout, pour rappeler aux oublieux que l'Irlande du Nord est une composante du Royaume Uni et qu'il n'en serait être autrement. (ou est-ce pour se rassurer ?)
Shankill a aussi son 'lot' de mémoriaux, de peintures murales, de panneaux photographiques explicites et descriptifs. Mais ici, contrairement à l'International Wall de Divis Street, l'ennemi est clairement identifié et les messages plus violents encore.
Ma fille me faisait remarquer que les couronnes et autres arrangements floraux posés devant les monuments honorant les camarades tombés sous les balles de l'ennemi sont constitués de fleurs fraîches. La mémoire est encore vive. Un pardon sera-t-il un jour possible ?
Les messages sur Shankill Rd semblent plus polarisés sur un ennemi unique que ce que l'on avait vu juste avant. Ici, on lit un rejet tenace de l'autre communauté. La haine (?) de l'autre s'exprime dans un environnement de "Council houses" (pavillons HLM tristes, attachés les uns aux autres...), de boutiques taguées, de clubs de 'revanche', de rues en vrac, de 'bondieuseries'... On n'en finit pas de regarder, de ne rien comprendre, de sentir la tension à fleur de peau, la dynamite qui n'attend qu'une allumette... et la crainte du Brexit n'arrange rien.
Photos, beaucoup de photos pour se souvenir, et en route, la tête farcie de ce que l'on venait de vivre.
La sortie de Belfast en direction d'Antrim se fait via une côte qui n'en finit pas. Malgré une météo fraîche on atteint rapidement la position "sauna". A mi-côte la veste rejoint les habits de pluie dans le filet. Un peu plus loin, alors que j'attendais Jenny qui peinait un peu, un jeune garçon sort d'une maison pour m'offrir une tasse de thé ! Son père renouvelle la proposition que nous déclinons avec force remerciements. Sur ces entre faits le grand-père arrive dans un petit fourgon, probablement invité à partager le repas dominical avec ses enfants. Voyant Jenny qui arrivait à ma hauteur en poussant son âne il lui propose de la transporter avec le vélo jusqu'en haut de la côte ! Que de générosité spontanée ! Notre voyage commençait bien.
Le haut de la côte offre une vue imprenable sur le lac d'Antrim, 3ème plus grand lac d'Europe occidentale.
Dès la bosse passée, on quitte rapidement la route passante pour une petite "départementale", Lylehill Rd. en direction de Templepatrick, route étroite et bucolique, parfumée d'odeurs de lisier et d'autres senteurs campagnardes.
Nouvelle rencontre à Loughanmore Rd : au vu de mon mât à drapeaux, un promeneur et son chien m'abordent pour me demander d'où nous venions et où nous allions, s'il pouvait nous aider... Heureuse conversation qui nous fait économiser pas mal de kilomètres le lendemain. En effet, on avait prévu de pédaler de Cullybackey à Coleraine pour prendre le train vers Londonderry. Il nous informe que nous pouvons aussi bien prendre ce même train à la gare de Cullybackey, que c'est la même ligne ! Merci Monsieur !
Passage dans Antrim sans revoir le lac. Brève visite à Antrim Castle Gardens, histoire de manger un bout à leur excellente cafétéria.
A Randalstown, c'est direction plein Nord vers Ballymena, via la Magheralane Rd, petite route up and down, bordée de bois et de champs.
Hésitants à l'entrée de Ballymena, un automobiliste nous propose de le suivre pour nous mettre sur la route de Cullybackey. Traversant la ville devant nous à 10km/h, il s'assurera que nous avions vu l'embranchement de la route avant de filer. Encore une expérience heureuse. Encore une fois merci pour cette aide précieuse.
Quelques courses pour le dîner; quelques kilomètres supplémentaires et nous voici chez Helen et Georges qui nous accueillent chaleureusement avec une tasse de thé accompagnée de gâteau maison.
Première vraie journée en Ulster, mais quelle journée ! Les sens, tous les sens ont déjà été mis à rude épreuve...
Qu'en sera-t-il demain à Londonderry ?
Camarades de l'INLA, tombés au combat. (Irish National Liberation Army), branche dissidente de l'IRA Officiel... Classée organisation terroriste.)
Des enfants : "Global Commodity.... Free Range Slave", exploitation et horreur derrière une des grilles du no-man's-land
"Imagine" dans le no-man's land. Les deux grilles séparant les communautés... Pour l'instant, elles restent ouvertes..
"IRA - Sinn Fein - Etat Islamique : pas de différence".. Côté protestant on ne fait pas non plus dans le détail..
17 septembre. Cullybackey - Londonderry, en train par la Scenic Railway.
Il a plu durant la nuit. Le ciel est encore chargé nous intimant de mettre les habits de pluie pour le court trajet vers la gare.
Petit déjeuner chez Helen et Georges en compagnie d'un couple d'Américains venus, comme beaucoup d'autres, faire des recherches généalogiques. Belle conversation avec le mari, ancien gradé Airborne basé en Allemagne au plus fort de la Guerre Froide..
On vise le train de 11h08.. En sortant le vélo de Jenny du garage, je me rends compte que le pneu arrière (bien évidemment) est à plat. Démontage rapide car le temps pressait. Une épine de rosier était plantée dans le flanc, juste au-dessus de la bande de roulement.. Réparation rapide et en route.
La Scenic Railway est un bonheur. Beaucoup de place pour les vélos que l'on charge tout montés. On paye à bord. Trajet sans histoires, souvent au ras de l'eau ou le long de plages immenses; hectares de champs de gazon, moissons encore en cours, moutons, marécages, roseaux..; de l'autre côté, falaises herbeuses, cascades, maisons perchées... le tout coiffé par un ciel plombé, gris profond, ne demandant qu'à se déverser sur une terre qui n'en avait plus besoin. Le train caracole tranquillement de gare en gare offrant au voyageur des vues magnifiques sur chaque bord.
Terminus à Londonderry après un court trajet le long de la Foyle. On passe de l'autre côté de la rivière en empruntant le Pont Craigavon, pont à deux étages menant à la rive gauche.
Première interrogation : que représentent ces nombreuses paires de chaussures d'hommes et de femmes, attachées à la rambarde du pont, souvent accompagnées d'un message, d'un poème, de quelques mots de souvenir ? Bien que l'on s'en doutait, mais incrédules tout de même devant un tel nombre, elles symbolisent le dernier geste des nombreux désespérés qui ont préféré mettre fin à leurs jours dans les eaux troubles du fleuve, plutôt que d'affronter une vie sans intérêt pour eux. C'est choquant !
Face au pont, sur la rive gauche, érigée au milieu d'un petit rond-point, se trouve une troublante statue d'espoir, vœu de réconciliation des communautés, main tendue vers l'autre.. Elle s'appelle "The hands across the divide". On reste un bon moment à la regarder, à en faire le tour, à espérer comme ces deux hommes en bronze qu'un jour la fraternité régnera de nouveau dans cette province... Ce que l'on verra quelques heures plus tard nous donnera un aperçu du chemin qu'il reste à parcourir....
Passage rapide à l'Office du Tourisme pour obtenir des cartes. La préposée nous avait vus arriver, ce qui a déclenché une conversation enrichissante et notamment l'explication "des chaussures".. Le B&B est situé dans Abbey Street, dans le "Bogside" que l'on souhaitait découvrir. Sympathique accueil de la gérante norvégienne. Check-in, dépose sacoches et vélos et en route à pied pour Rossville Street, lieu de tant de drames mais surtout du 'Bloody Sunday' du 30 janvier 1972.
La baffe sera pire ici qu'à Belfast, le ciel plombé accentuant un peu plus encore le ressenti. Immédiatement on est confrontés à la version 'catholique' des événements, par le biais d'immenses fresques murales, monuments, panneaux, photographies rivalisant dans l'horreur de ce que cette population, qui avait eu le malchance de naître dans le camp des démunis, des opprimés, avait subi depuis si longtemps sous le joug d'une minorité au pouvoir. Toute l'histoire récente de l'Irlande du Nord est là, étalée sous nos yeux, sur les quelques centaines de mètres de Rossville Street.
Après avoir parcouru la rue de long en large, avoir lu les explications des fresques, s'être recueillis devant le monument aux 14 morts du Bloody Sunday, puis devant le "H Block" Monument sur lequel le nom de Bobby Sands me renvoie début '80, au moment où il s'est laissé mourir plutôt que de capituler, on se dirige vers le Musée du Free Derry (MOFD) pour essayer d'y voir plus clair.
Très chaleureux accueil par deux responsables surpris par notre visite d'Irlande du Nord en vélo.
Petit, mais riche musée conduisant le visiteur à travers l'histoire qui explose fin janvier 1972. Photos incompréhensibles tant ce qu'elles racontent est inimaginable, affiches, films, bandes sonores, documents, objets, habits "du dimanche" perforés par les balles...douilles de fusil de guerre : histoire réelle sans filet de sécurité.
Ici, on est au cœur du secteur des opprimés et ils crachent leur venin tout aussi fort que les protestants de Shankill. Pour l'instant les deux camps semblent se tolérer mais le pardon paraît loin encore, sinon totalement utopique tant qu'une collégialité (co-gestion) réelle n'existera pas, tant que les enfants des deux communautés, ne seront pas "brassés" dans une école commune, apprenant à vivre ensemble, à s'éloigner de l'ancrage funeste de leurs aînés...
Longue discussion avec les responsables... On peine à absorber une situation si incompréhensible, si fragile encore aujourd'hui. Ici aussi, le Brexit fait peur.
Eireen et Padraig (prénoms changés) nous mettent un mot sur un feuillet distribué par le musée, et qui retrace les événements de la journée du Bloody Sunday : il s'avère que chacun d'entre eux à perdu un frère assassiné par les paras anglais. C'était en 1972, mais comment pourraient-ils oublier ? Combien de générations avant le pardon ?
On quitte le musée abasourdis par ce que l'on venait de vivre, la tête résonnant des cris des bandes sonores et du "We shall overcome" chanté en boucle... horrifiés par tant de violence. Il faudra maintenant digérer tout ceci, espérant qu'une résurgence de haine rancunière et d'intolérance ne vienne anéantir l'espoir, pour rebâtir peu à peu les fondamentaux de respect de la différence.
Les photos qui suivent parlent d'elles-mêmes.
Soudain on avait besoin de revoir la lumière... Demain, retour à Castlerock avec le Scenic Railway..
Royal Ulster Constabulary - Police Service of Northern Ireland : "Noms différents mais mêmes objectifs"..
Le "H-Block Monument" sur lequel sont inscrits les noms des grévistes de la faim, morts en prison. Le premier nom est celui de Bobby Sands.
Les 14 martyrs inscrits sur le monument du Bloody Sunday. Les frères de Eireen et Padraig (noms changés) y figurent.
18 septembre. Londonderry - Castlerock par le Scenic Railway.
Pendant que Jenny finit de refaire ses sacoches, je file au Musée revoir Eireen (nom changé), des questions m'étant venues dans la nuit. Encore une conversation intéressante. Achat de cartes postales et retour au B&B où on attend un peu avant de mettre en route pour la gare, via le Pont de la Paix, qui enjambe la Foyle en aval du pont d'hier.
Voyage éclair dans l'excellent train qui fait toute la ligne jusqu'à Belfast Victoria, gare située tout près de notre hôtel du 1er soir. Les prix sont plus élevés que dans les trains de la République.
Castlerock est atteinte après une petite demi-heure. Aujourd'hui, le soleil est de sortie. L'immense ciel bleu est parsemé de petits cumulus de beau temps. Un vent frais souffle de l'ouest.
Après Belfast et Londonderry on voulait de la lumière et de l'air... aujourd'hui on est particulièrement gâtés !
Castlerock n'a ni château, ni rochers. C'est un gros village d'un peu plus d'un millier d'habitants. Seulement quelques maisons qui s'étalent le long de deux-trois rues, deux églises, un front de mer propret bordé de pavillons. Un golf, des mobile-homes de vacances, une poignée de B&B, une épicerie, des cafés ouverts en saison, quelques magasins et un Office du Tourisme géré par les locaux.
Mais Castlerock a une plage immense de sable fin s'étendant à l'infini à l'est et à l'ouest. La Baule et les plages de Vendée peuvent aller se rhabiller. Seul problème, faut probablement envisager de se baigner en anorak..
Les vélos attachés à un anneau prévu à cet effet, on se faufile entre les dunes recouvertes d'herbes de bord de mer. C'est marée basse. Devant nous des centaines de mètres de plage parsemée de quelques rares coquillages. Le vent soulève des feux follets poudreux de sable fin, les expédiant à ras de sol vers le bord de l'eau.
Seule présence dans toute cette immensité : un jeune femme photographiant des fous de bassan plongeant du haut du ciel dans l'océan à la recherche de leur déjeuner.
La côte s'étend à l'infini des deux côtés. Au loin, à l'ouest, au dessus du Donegal, le ciel semble menaçant.
Arrêt pique-nique sur les hauteurs de Castlerock. Rencontre d'un couple de promeneurs rentrant d'une collecte de mûres. Ils se proposent de garder nos vélos chez eux au cas où nous souhaiterions nous rendre au domaine de Downhill Demesne à pied. C'est une vaste réalisation de l'excentrique Comte-Evêque Frederick Hervey, datant du 18ème siècle. Aujourd'hui, seuls les vents parcourent les pièces du château qui a perdu fenêtres et toitures au fil du temps. Une tour circulaire, le Mussenden Temple, ancienne bibliothèque du domaine, est située au bord de la falaise à plus de 200m du "château". Elle a le privilège d'avoir gardé sa toiture et ses vitres. L'ensemble est planté sur une immense étendue herbeuse de plusieurs hectares.
L'ensemble étant situé trop loin pour accepter l'offre sympa qui nous était faite, on reprend les vélos et on met en route sur une belle piste cyclable bordant l'A2, La Causeway Coastal Route.
On entre au domaine par 'Lion's Gate', deux énormes piliers de pierre surmontés de 'lions' ressemblant plus à des chiens qu'aux fauves africains qu'ils étaient censés représenter. Faut dire qu'à l'époque, rares étaient ceux à avoir vu de vrais lions...alors on laissait filer l'imagination.
Al, gérant de la caravane-café sur le parking, sous contrat avec le National Trust (les Monuments Historiques anglais) fait office de buvette, snack, bureau de renseignements, gardien de vélos... dispensant avec son fort accent écossais, toutes sortes de conseils et d'anecdotes aux visiteurs. C'est un régal de l'écouter.
On le quitte le temps de la visite. Il n'y a plus rien à voir au 'château', ni au Temple (fermé), par contre la vue en contrebas, du bord de la falaise, est époustouflante. Le soleil et le vent, plus un petit coup de pluie qui nous avait finalement rattrapés, donnent une dimension irréelle au lieu !
Au retour, discussion sur le Brexit, conseils pour ne pas payer inutilement la visite de la Chaussée des Géants, savoir choisir le meilleur whiskey chez Bushmills... et une mise en garde météo ! Il paraît que ça allait se gâter !
Retour vers le B&B trouvé sans mal. Un véritable haras. Maison et dépendances magnifiques. Seul problème : pas de restos en ville... alors ce sera un A/R vers Coleraine avec un chauffeur de taxi super.
Au retour, le vent se lève. Al ne nous avait pas raconté de bobards...
Vers l'est c'est Portstuart. Au pied de la falaise, on aperçoit le tunnel et les rails du Scenic Railway
19 septembre. Castlerock - Giant's Causeway - Portrush... Jour de la Grande Tempête et d'autres désagréments..
Après un petit déjeuner "full Irish" pris dans la belle salle à manger de notre B&B, on décide d'attendre un peu pour voir comment allait évoluer la tempête. Si elle s'était un peu calmée durant la nuit elle reprenait maintenant force et vigueur, expédiant les chaises de jardin aux quatre coins de la pelouse, alternant trombes d'eau, accalmies, soleil, re-trombes d'eau etc..
Ayant vérifié la météo sur le site "Ventusky" on décide de mettre en route vers 11h00, la situation étant prévue d'évoluer dans le bon sens dès le début de l'après-midi.
On emprunte la petite route secondaire menant à Coleraine pour éviter la circulation de l'A2. Le très puissant vent ARR et 3/4 ARR nous poussait aux fesses, mais dans un même temps nous obligeait à bien tenir le guidon pour ne pas terminer dans les haies d'aubépine bordant la route. La pluie avait cessé. Le ciel était même bleu et ensoleillé par endroits.
Pas de soucis particuliers jusqu'à Coleraine à part un gros arbre tombé en travers de la route. Après avoir cassé une branche pour dégager un passage, on continue sans autres désagréments. Aux abords de la ville, attente sous un bouquet d'arbres qu'une grosse averse passe. Ce sera la dernière jusqu'au milieu de l'après-midi. Le vent, lui, soufflait toujours de l'ouest mais la piste cyclable N° 93, menant à Portstewart, direction plein nord, était protégée par des haies tout le long.
On allait rapidement comprendre que ce n'était pas un avantage....
Dans Portstewart Jenny m'annonce qu'elle avait crevé à l'arrière. On se met à l'abri du vent (et d'une nouvelle averse -horizontale-), derrière un Café pour réparer.
A peine l'arrière remonté que c'est l'avant qui est à plat.. Résultat, on recommence... 8 fois ! trempant la chambre dans l'eau d'un gobelet en carton que Jenny était allée chercher au café.
Malgré tout le soin pris à vérifier l'intérieur des pneus : passage des doigts, essuyage avec un chiffon, retrait de ce que l'on voyait avec une pince à épiler, on n'arrivait pas à bout des maudites épines d'aubépine que le vent avait éparpillées sur la piste cyclable.
J'étais convaincu que le Fahrradmanufaktur T100 de Jenny (vélo vendu comme VTC), était équipé de VRAIS pneus Schwalbe pour VTC.
Erreur !
Probablement pour des histoires de réduction de coût ou de positionnement concurrence, c'étaient de simples pneus 'urbains' (Schwalbe Citizen) qui équipaient son vélo...quasiment aussi fins que des boyaux ! Ça promettait pour la suite...
Cette constatation m'amène à attirer l'attention des cyclos qui seraient tentés par l'Irlande du nord sur les points suivants:
-Les kilomètres de belles haies qui bordent la grande majorité des routes sont des buissons d'aubépine
-Ces haies sont généralement taillées en automne par des machines qui projettent beaucoup de branches sur les bas-côtés et sur la route. Le vent s'occupe ensuite de les éparpiller un peu partout, y compris, sur la piste cyclable..
-Il est fortement conseillé de monter des 'Schwalbe Marathon Plus' (ou similaires), avec renforts/bandes anti-crevaison dans l'épaisseur de la bande de roulement. Mon Rock'n'Roll en est équipé et n'a eu aucun problème.
-Prendre également une paire de chambres à air de rechange (cf. mon article "Check list").
Après deux heures de patience et pratiquement plus de dissolution dans les tubes on remet en route, n'étant pas 100% convaincus que l'on était au bout de nos peines. Portrush : coup de pompe, Gulls Point : coup de pompe...mais peu à peu on progressait le long de l'A2, circulant sur le trottoir (propre) avec en contre-bas, à gauche, d'époustouflantes vues sur les falaises, les arches, l'océan. Le vent, toujours soutenu, avait chassé les nuages. La lumière rasante du soleil de cette fin d'après-midi faisait péter les couleurs. C'était magnifique !
Rapide passage au château de Dunluce, fermé pour cause de tempête. On s'y arrête néanmoins pour admirer les couleurs, les vagues, les embruns projetés en hauteur par le vent.
Les arrêts "coups de pompe" nous ralentissent un peu mais les réparations semblaient avoir réglé la majorité des problèmes (au moins à l'ARR.). Malheureusement, le gobelet en carton était bien étroit et ne permettait pas de gonfler comme il aurait fallu. On avait probablement loupé d'autres trous minuscules. Tant pis ! De toutes façons, la décision était prise de changer pneus et chambres dès que l'on trouverait une boutique de vélos... et l'hôtel Causeway n'était plus bien lion...et le site était si magnifique que l'on n'allait pas se laisser gâcher la vie !
A Portballintrae on prend à gauche sur Bushfoot Rd puis à droite dans une sente qui rejoignait une ancienne ligne de chemin de fer menant à l'hôtel, le "Giant's Causeway and Bushmills Railway", rien que ça !
Chemin en cendrée longeant la ligne, serpentant entre les dunes de sable recouvertes d'oyats (?), herbes hautes brossées en tous sens par les vents. Finalement le temps perdu à réparer nous avait été bénéfique au point de vue météo...car à cette heure tardive la lumière était magique !
Arrivant enfin à l'hôtel on nous annonce qu'il était fermé n'ayant plus de courant électrique suite à la tempête. La direction avait 'recasé' tous les clients dans des hôtels des environs, le notre étant à une quinzaine de kilomètres, sur la route que l'on venait de faire....
Voyant que nous étions en vélo, la réception a immédiatement appelé un taxi (à leurs frais), pour transporter cyclistes et bagages vers le nouvel établissement, après avoir accepté, à défaut des clients, d'héberger les montures pour la nuit, sous l'escalier monumental menant aux chambres...
En trajet, Sam, le sympathique chauffeur de taxi, fait un détour par Bushmills pour nous indiquer un garage susceptible de nous dépanner en pneus et chambres. Ça tombait bien, Bushmills étant sur notre route du lendemain.
Installation au Magherabuoy de Portrush. Hôtel et personnel nickel. Repas excellent. Taxi organisé pour le retour au Causeway hotel au matin... et au lit, la tête farcie des événements de la journée... Et quelle journée !
20 septembre. Portrush - Chaussée des Géants - Dark Hedges - Glens of Antrim - Cushendun
Encore une journée dingue !
Petit déjeuner de marathoniens. Le taxi, assurant comme souvent des transports scolaires tôt le matin, ne peut nous prendre qu'à 9h20 pour nous ramener au Causeway Hotel. On y dépose les sacs, constatant une fois encore que le pneu AV du vélo de Jenny est à plat. Pas question de recommencer le cinéma d'hier : un bon coup de pompe devrait suffire pour rejoindre le garage situé à Bushmills à 3-4 km de l’hôtel.
Le Centre d'accueil de la Chaussée des Géants est encore fermé à cause des dégâts subis durant la tempête d'hier. Il a prévu d'ouvrir d'ici une heure. Ne voulant pas perdre de temps supplémentaire on file sur la petite route menant au site. Au détour d'une avancée de la falaise on débouche soudain sur l'extraordinaire formation géologique, vieille de plus de 60 millions d'années. Unbelievable ! Lieu difficile à décrire. Les photos parlent d'elles-mêmes. Lumière froide du matin sous un soleil radieux. Brise de mer. Roches brunes, noires. Falaises herbeuses. Site magnifique que l'on ne cesse de photographier... comme si la photo pouvait rendre le ressenti impossible à qualifier tant c'est un endroit extraordinaire.
On dirait qu'un carreleur fou avait tenté de poser des milliers de tomettes géantes sur un sol en montagnes russes, partant de la falaise et terminant le travail dans l'océan... Il y a des colonnes à tous les niveaux, de toutes hauteurs, toujours régulièrement imbriquées les unes dans les autres, de couleur noire ou marron/gris, que la mer vient laver à chaque vague. Chaque assaut des flots laisse des petites flaques d'eau dans les sommets concaves des colonnes.
Bref passage au Visitor Center enfin ouvert. Cartes postales, livrets et coups de tampon dans nos carnets viennent s'ajouter aux trésors ramassés ici et là, depuis le départ.
Le trajet vers le garage providentiel situé à Bushmills suit la même route que celle de notre arrivée hier, à travers les dunes, le long de la petite voie de chemin de fer, jusqu'au terminus. Pas de vent, pas de bruit, juste une belle lumière d'automne qui s'est un peu réchauffée depuis le matin.
Nigel, le préposé du garage en charge du vélo de ma fille fait mille choses en même temps, mais parvient à nous changer les deux chambres en un temps record. (Pas de pneus en 28 pouces alors ce sera un changement des chambres seulement). Nettoyage "professionnel" de l'intérieur des pneus avant remontage. On en profite pour acheter deux chambres supplémentaires, au cas où....on ne sait jamais !
Il est plus de midi quand on remet en route après de chaleureux remerciements pour le travail accompli.
Première direction : "Dark Hedges", Bregagh Road, près d'Armoy, cette curieuse allée de hêtres qui semblent imbriqués les uns dans les autres, que l'on retrouve dans la série culte "Game of Thrones", (1er épisode, deuxième saison..). Le téléobjectif compresse les arbres de "Kings Road" créant un effet dingue.
Est-ce pour nous récompenser des misères de la veille ou seulement d'être arrivés au bon moment... toujours est-il que pendant un instant Jenny a la rangée d'arbres à elle toute seule. Magique !
Il est malheureusement temps de filer car nous avons encore le Glen à franchir avant d'arriver à Cushendun, étape du jour.
Le ciel n'est plus aussi clair que ce matin, une grisaille envahit peu à peu les collines. Il ne pleut pas encore.
La petite route à travers le glen serpente tranquillement en montée par prés et bois de feuillus, puis de sapins, puis d'immenses étendues de bruyère. Partis d'une cinquantaine de mètres d'altitude on se retrouve au 'col' à 350m. Trajet long et fastidieux parcouru très lentement, heureusement contrebalancé, après le sommet, par une descente de plus de 10 km vers Cushendun. Dommage que la lumière n'ait pas été plus gaie car les paysages étaient grandioses le long de la rivière Glendun.
Un seul pub ouvert en ville (Mary McBride's), alors on ne traîne pas car la cuisine ferme à 19h00... Fish and Chips et Guinness nous font le plus grand bien après une longue journée pleine de tant d'aventures.
Les deux kilomètres jusqu'au B & B se font malheureusement sous la pluie qui nous avait rattrapés. Cerise sur le gâteau : notre hébergement se trouvait au milieu des champs, en haut d'une méga-côte que même les plus téméraires n'auraient pas tentés, la vitesse de pédalage étant trop faible pour assurer le fonctionnement de la lumière du vélo....
Maggy était sur le pas de sa porte à nous attendre, la lumière de son entrée agissant comme un phare au milieu de la nuit... Elle avait déjà déplié des dizaines de pages de vieux journaux sur la moquette de son salon afin que les vélos ne passent pas la nuit dehors !
21 septembre. Cushendun - Larne (hauteurs de Larne...)
Vérité du jour : "En Bretagne il fait beau plusieurs fois par jour... En Irlande du Nord il fait beau plusieurs fois par heure", (surtout le long de la côte...).
Partis de chez Maggie sous le soleil on prend conscience de la côte que l'on avait dû affronter hier soir. Elle faisait bien 15% ou même un peu plus. Pas étonnant qu'on avait dû pousser les ânes vers l'étable..
Le trajet d'origine, au départ, devait nous mener à Cushendall par une route passant en sommet de falaise... On avait déjà donné hier. Une nouvelle côte à 10%+ ne nous enchantait guère. On prend donc l'A2, (Véloroute N° 93), route un peu plus passante et plus longue, mais tracée en fond de vallée.
S'en suit une étape magnifique en bord de mer, parfaitement à plat avec vent ARR sur la majeure partie du parcours. Falaises, plages de galets et de sable, varech, lumière et couleurs intenses, averses, arcs en ciel, vent...
La Scenic Causeway est un must absolu, surtout en vélo. Ça donne le temps de tout absorber. Couleur de l'eau, îles au large (Maidens Lighthouses en face de Ballygalley), oiseaux de mer, villages fleuris, yuccas et autres plantes "tropicales"... C'est beauté non-stop..
Un poteau, tout contre un temple maçonnique, rappelle que les temps ont été malheureusement plus agités par le passé et que la violence n'a pas sévi que dans les quartiers de misère des grandes villes.. Curieuse cohabitation de Tolerance et d'Intolérance...
Arrêt à Carnlough pour un snack. Le vent du large, les paysages et les kilomètres avalés sans peine donnent faim et le petit déjeuner était déjà loin.. Joli petit port plein de couleur.
Continuation sur Glenarm, Ballygalley et finalement Larne. Notre B&B est sur les hauteurs, en pleine campagne.
A une intersection en ville, une vieille dame en voiture s'arrête pour nous demander si on était perdus, si on avait besoin d'aide.. On lui fait part de notre destination. "Ah mes pauvres...ça monte tout le long sur quatre ou cinq km..."
Pour commencer on doit sortir de Larne par une côte à 18%, heureusement très courte.. Nouvelle occasion de pousser les vélos car pas question de casser la chaîne.. La dame avait dit vrai.. Le trajet monte jusqu'au bout, mais sur une pente un peu moins raide, à travers champs et prés parsemés de moutons.
Un second automobiliste offre ses services. Celui-là est plus rassurant : c'est à 500m sur la gauche !
Super accueil par la propriétaire de "Billy Andy's", pub-restaurant-B&B perdu au milieu de nulle part. Vélos débâtés et rangés au sec dans un vieil appentis.
Douche et descente au bar pour le premier whisky du voyage : un Bushmills Black servi dans des verres de cantine.. On se souvenait des recommandations du copain d'Al, à Castlerock. Le choix était parfait.
Un super repas clôt cette magnifique journée de pédalage le long d'une des plus belles côtes du monde (dixit la brochure). Pour nous, le vent arrière l'avait rendue plus belle encore.
Seul problème : pourquoi les B&B sont-ils toujours en haut de la dernière côte de la journée ?
Demain on sera à Belfast ! La boucle en Irlande du Nord aura été bouclée (trop vite).
Le énième arc en ciel... On y a eu droit tout au long de l'après-midi (Snapshot tiré d'un film, d'ou léger flou).
22 septembre. Glenoe (Billy Andy's) - Belfast (Finaghy, au sud-ouest de Belfast).
A 9h30 on quitte Billy Andy's direction Glenoe et l'A2, route désagréable et très passante qui nous mènera, le long de la côte, jusqu'à Belfast.
Premier arrêt, la cascade de Glenoe Park atteinte après une bonne mise en jambes à froid. De la route on ne voit que le panneau indiquant l'endroit. Il faudra continuer un peu pour découvrir, par un chemin à droite, cette belle cascade perdue dans un écrin de verdure (bien verte !). Traversée de Glenoe en direction de l'A2, par une petite route, un peu plus longue que la directe sur Carrickfergus, mais bien moins vallonnée.
On débouche sur l'A2 à Shore Road, qui jusqu'à Carrickfergus, est un calvaire tant les bas côtés, lot habituel des cyclistes, sont abimés/pourris et tant ça roule à cette heure sur une des principales artères menant à Belfast.
Bref arrêt au Château de Carrickfergus pour passer à l'Office du Tourisme, histoire de vérifier comment aborder Belfast, qui, sur la carte, ne semblait desservie que par des routes à grande circulation. L'employée de l'Office fait des recherches et m'imprime une carte détaillée du parcours m'assurant qu'à partir de la sortie de sa ville on serait en site propre jusqu'à destination. Merci à elle pour tant d'aide !
Au chapitre des informations et réalisations dont la France pourrait s'inspirer... les toilettes publiques au pied du château ont gagné le Premier Prix de Propreté et d'Accueil d'Irlande du nord ! Un diplôme, fièrement affiché à l'entrée, atteste de cette 1ère place qu'elles semblent avoir obtenue plusieurs années de suite ... Les ayant visités, j'atteste qu'elles étaient irréprochables !
La piste cyclable enfin atteinte est un régal, aussi bien au niveau tranquillité qu'à celui de la beauté des lieux qu'elle traverse.
Tantôt en sous bois, tantôt en bord de mer, elle serpente paisiblement jusqu'au abords immédiats de la ville. Belles lumières, ciel bleu pommelé de petits cumulus, soleil, brise, quelques contributions à la culture dans un parc..
L'entrée dans Belfast se fait via les docks, vides et bouclés le samedi après-midi. On flâne dans les 'nouveaux quartiers', où l'héritage maritime de la ville a été entièrement rénové, préservant ainsi tant de beaux bâtiments devenus au fil des temps bureaux ou logements haut de gamme. De nombreuses pistes ont été construites pour le plus grand bonheur des cyclistes.
Profitant de la proximité de la gare on passe acheter les billets pour le départ vers Drogheda demain après-midi. En cinq minutes tout est réglé pour cyclistes et vélos et on remet en route pour le B&B situé à Finaghy, à quelques kilomètres au sud du centre.
A 19h00, car on n'avait pas mis grand-chose dans la chaudière depuis le matin, on s'attable à une nouvelle portion de Fish and Chips, histoire d'en faire un classement à la fin du voyage. Retour dans nos appartements pour une dernière nuit en Ulster. Quelle semaine riche en découvertes, en événements et en rencontres. Décidément, va falloir revenir...
23 septembre. Belfast - Chantiers navals Harland & Wolff - Musée du Titanic - Drogheda (Eire).
Petite averse au lever mais qui laisse rapidement place au soleil, accompagné d'un vent bien frais tout de même.. Notre B&B n'étant en fait qu'un 'B' car ne fournissant pas le petit déjeuner, on se fait une tasse de thé avant de filer vers un café en ville puis vers le complexe du Titanic, via des quais superbement aménagés en pistes cyclables partagées. Le site du musée à proprement parler n'est qu'un des éléments de l'immense réhabilitation du quartier des docks et chantiers navals. Des navires, tel le "Nomadic", construit à Cherbourg, sont exposés en cale sèche et visitables. Les deux gigantesques grues portiques jaunes de Harland and Wolff (Goliath : 96m de haut et Samson : 106m de haut -cette dernière, pratiquement aussi haute que le 2ème étage de la Tour Eiffel-), visibles à des kilomètres à la ronde, coiffent ce chantier naval mythique.
Visite fascinante du musée en forme d'étraves multiples du Titanic. Les salles retracent l'histoire de Belfast, tout particulièrement au XIXème siècle : Lin et filatures, puis le développement industriel et naval menant à la construction du Titanic de la White Star Line. Les aspects de la conception et de la construction du navire sont magnifiquement documentés et présentés. Un système de petits wagonnets suspendus simule une descente dans les entrailles du monstre -insubmersible- en construction, s'arrêtant devant plusieurs "ateliers", décrivant tâches et conditions de travail quasi inhumaines des ouvriers du chantier. Chaleur, obscurité, bruit, absence totale de notions d'ergonomie.... Deux années à se tuer au boulot pour une nouvelle Tour de Babel, un navire qui coulera lors de sa première traversée !!
Panneaux, cartes, films, bandes sonores, reconstitutions et objets divers expliquent l'évolution de la construction du monstre, son lancement, son aménagement, la débauche de luxe des premières classes... et sa perte en mer, dans le contexte social de l'époque : masses laborieuses, peu qualifiées, exploitées et condamnées à s'accrocher à leur travail, quelle qu'en soit la difficulté.... Seule façon, pour beaucoup, de survivre dans cette époque. Deux heures de visite passionnante !
Au retour on explore le "Nomadic", vaisseau 'transbordeur' qui a amené, une fois seulement en ce qui concerne le Titanic, les passagers de 1ère et 2ème classe du port de Cherbourg vers le navire colossal qui devaient 'stationner' en haute mer, la faute à son tirant d'eau. On connait la suite..
Le 'Nomadic' est le seul et dernier navire flottant de la White Star Line. Après différents services et propriétaires, il fut un temps restaurant flottant sur la Seine, en amont du pont d’Iéna. Promis à la casse il fut sauvé par une action associative et ramené à Belfast où il sera restauré.
Il est temps de filer vers la gare. Trajet sans histoires jusqu'à Drogheda où la météo est toujours au beau fixe.
Installation au B&B. Les vélos sont rangés dans la Lingerie. Départ immédiat à pied "en ville" à la recherche d'un pub ou similaire pour le dîner. Ce sera malheureusement (on est dimanche soir..) un Chinese take-away.. assis sur de hauts tabourets de bar à manger un repas indescriptible dans une boîte en carton avec une fourchette en plastique trop courte. L'essentiel était d'avoir pu manger un bout. Heureusement que les petits déjeuners, eux, assuraient une combustion durable dans la chaudière..
Encore une superbe journée de découvertes sous une météo 90% clémente mais devenant un peu frisquette tout de même.
24 septembre. Drogheda - Newgrange - Bective
Mise en route à la fraîche sous un ciel bleu pâle. Encore du Soleil plein le ciel : quelle chance !
Première partie de la route assez passante, jusqu'à l'embranchement avec l'autoroute. Pour nous ce sera un trajet sur le trottoir après vérif. que les bas côtés ne contiennent pas de haies d'aubépine... Au-delà on se retrouve sur une belle route de campagne zig-zaguant entre haies et prés jusqu'à Newgrange que Jenny souhaitait visiter. Le site est un énorme tumulus néolithique vieux de cinquante siècles, réhabilité par les O'Kelly, une famille d'archéologues irlandais passionnés qui y ont consacré 40 ans de leur vie, restaurant un tas de terre couvert d'arbres et laissé à l'abandon depuis la nuit des temps à sa condition actuelle de monument mégalithique majeur.
On y arrive milieu de matinée, après une court trajet en vélo. La chance est encore avec nous ! Il reste encore des places pour la visite guidée (obligatoire) de 11h15. Le personnel du Visitor Center nous permet d'accrocher les vélos à la barrière juste devant la porte d'entrée se proposant même de les surveiller durant notre visite !
Le Visitor Center est superbe et très documenté sur les monuments similaires qui constellent la façade atlantique, tels que Gavrinis et le Petit Mont en France, ainsi que sur la période néolithique et ses réalisations diverses et variées (Stonehenge, Carnac...).
Un court film axé sur les aspects astronomiques du tumulus est présenté au public en boucle. Il explique les découvertes relatives à l'alignement du soleil et à sa pénétration jusqu'au fond de l'étroit passage du monument le jour du solstice d'hiver.. jour de renaissance de la lumière..
Le site de Newgrange organise même une tombola permettant aux heureux gagnants de participer à cet événement exceptionnel mais non garanti, car le ciel peut en décider autrement en masquant l'astre de jour derrière un épais écran de nuages !
Le trajet de 10 minutes vers le site se fait en minibus. Là on est pris en charge par petits groupes par d'excellents guides qui expliquent, avec force anecdotes, ce qu'ils savent de la provenance des pierres, de leur acheminement sur site, de la construction du monument, de son utilisation supposée, de l'arrangement des abords etc., laissant à chacun le soin de décider de la signification des éléments de décoration : multiples gravures dans les énormes blocs extérieurs; triskels, dont un superbe gravé dans la paroi de la salle au fond du couloir... et autres damiers de losanges que l'on retrouve à plusieurs endroits... Belle modestie de la part du guide devant tant d'histoire inexpliquée.. Toutes les suppositions se valent nous dit-il.
Nous sommes invités ensuite à pénétrer dans l'étroit passage par une porte basse et à nous glisser, parfois de travers, vers la 'salle du fond' qui prend la forme d'un 'trèfle à 3 feuilles' un peu irrégulier, chacune des trois minuscules 'salles' contenant une pierre à surface concave ayant paraît-il contenu, à l'époque de l'utilisation du tumulus, les cendres de personnages importants.
Fabuleuse et passionnante visite trop rapidement terminée qui nous montre une fois encore qu'il y a bien longtemps, des peuples dits 'primitifs' avaient déjà pas mal réfléchi aux questions qui nous hantent encore aujourd'hui : l'univers, la nature, la vie, la mort...
Après un passage obligé à la boutique du centre et un snack rapide on remet en route vers Bective, étape du jour, empruntant une succession de petites routes -bordées de haies- mais nous évitant le bruit et le désagrément de la circulation des voies plus directes. Lumière magnifique de fin d'après-midi. Couleurs d'automne.. Quel paysages paisibles !
Le Moulin de Bective nous accueille chaleureusement dans un site magnifique. Jake le très vieux labrador vient nous faire la fête mais retourne rapidement s'étaler devant le feu de cheminée allumé dans le salon de la vieille bâtisse.
Encore une très belle journée que l'on conclura dans un petit restaurant du village d'à côté. Retour à la nuit sous une pleine lune claire mais glaciale. On rejoindra Jake devant le feu...
25 septembre. Bective - colline de Tara et retour.
Après un énième "full Irish breakfast", mise en route pour la colline de Tara sous un ciel plus gris que prévu, parcouru par un vent désagréable. Premier village : Kilmessan à 3km; Tara 7km plus loin, sur des petites routes bordées de haies, nous protégeant des éléments. A la sortie de Kilmessan, au détour d'un virage, on a une première vue de la pierre dressée sur une butte herbeuse, au loin.
Très peu de monde sur le petit parking, mais l'obligatoire tea-room-boutique-de-souvenirs est ouvert offrant sa marchandise 'made in China' et....'made in France', pour certains tissages ! On croit rêver..
Le site se trouve sur une vaste colline d'herbe rase, tondue par un troupeau de moutons bien éventés. La légende voudrait que ce lieu ait été la capitale mythique de l'Irlande, colline où tous les rois auraient été couronnés, jusqu'au VIème siècle..
Le symbole de la souveraineté est matérialisé par une pierre cylindrique dressée, d'environ 1,5m de haut, (Le Lia Fail -La Pierre du Destin), positionnée sur un des endroits les plus élevés de la butte. Toujours selon la Légende, cette pierre avait des pouvoirs magiques transmis à ceux qui la touchaient durant des cérémonies toutes aussi mythologiques.
Les tumulus occupant une vaste partie de la butte sont aujourd'hui à peine visibles au niveau du sol. Vus des airs c'est beaucoup plus 'parlant'.
Photos à la Pierre du Destin, vœux (on n'a rien à perdre..) et surtout émerveillement qu'une simple pierre ait tant impressionné les esprits depuis si longtemps.
Le vent a raison de notre désir de rester même s'il nous permet de profiter de l'endroit seuls.. Pas question d'imaginer faire un pique-nique sur cette hauteur pelée. Retour par le petit cimetière. L'église (fermée) est devenue 'Visitor Center' à entrée payante..
Après un rapide snack, on ne traînera pas, d'autant plus que les cieux mettent à exécution les menaces du matin sous forme d'un beau crachin Breton. Entre Celtes, même traitement du touriste...
Retour par Kilmessan. Achat de provisions pour le dîner du soir que l'on prendra au B&B. Hier soir il faisait trop froid au retour.
La fin de l'après-midi sera passée au chaud à mettre nos carnets à jour et à écrire des cartes postales.
La lumière céleste s'étant rallumée en fin d'après midi on en profite pour aller visiter les ruines de l'abbaye cistercienne de Bective, juste en face de notre hébergement. Jake nous accompagnera et prendra un bain dans la rivière au retour...
Le site de la Colline de Tara, vu d'avion. L'église-Visitor-Center est dans le coin, en haut, à droite.
26 septembre. Bective - Dublin (Stillorgan).
Après une ventrée de framboises fraiches et de miel tout droit sorti des ruches du Moulin (le miel était encore les alvéoles..) on quitte Bective et Jake le labrador, par la route que le patron nous avait indiquée. Bon choix, car même si l'on n'a pas vu les deux châteaux dont il nous avait parlé, on économisait plus de cinq kilomètres sur un trajet qui allait être bien long.
Lente descente sur la 147 très passante, sur trottoirs vides et quand cela n'était pas possible, sur la large bande d'arrêt d'urgence bordant la route. A la hauteur du magasin AVOCA que j'avais noté comme point tournant, on quitte le bruit pour continuer sur des petites routes super calmes de la grande banlieue nord de Dublin.
On aborde la ville sur de belles pistes cyclables super roulantes, via d'énormes zones d'activité très 'aérées' : bureaux, sociétés de transport, pharmacie etc. Les premières zones résidentielles traversées (Finglas West - Ratoath Road) ne respirent pas l'aisance. Le seul avantage pour nous de passer par ces zones était que nous quittions les routes principales au profit d'un calme relatif.
Juste après Tolka Valley Park la route empruntée (R805) enjambe le 'Royal Canal'. Une étude rapide de la carte nous indique que ce canal traverse Dublin par le nord, nous évitant tout le centre ville, avant de terminer dans le port tout près du pont que nous avions prévu de prendre pour nous rendre à Stillorgan, notre destination.
En moins de temps qu'il ne faut pour le dire on se retrouve sur le halage près de l'écluse N° 8. Halage très sympa bordant un canal étroit équipé d'écluses minuscules à fort dénivelé. Une cycliste rencontrée nous confirme que nous pourrons aller pratiquement jusqu'à la Liffey, "terminus" du cours d'eau.
Vers la fin du parcours, à Drumcondra, on découvre une crêperie bretonne tenue par un Brestois. Brin de causette : "La farine, le cidre et le café viennent de France" qu'il me dit...
A la hauteur de l'écluse N° 1 on doit quitter le halage, ce dernier étant fermé au-delà. Cela nous oblige à passer devant la gare de Dublin Connolly, d'où l'on était partis le 15 au soir. Nouvelle boucle bouclée !
La fin du trajet sera une longue et pénible route le long de la côte et d'une grande 'nationale'. C'est la sortie des bureaux... Bruit, circulation, gaz d'échappement, foules, chaleur (oui !) plus une ou deux erreurs de parcours fatiguent les cyclistes débarquant à peine de leur voyage dans le temps.
Rachel, notre hôtesse nous accueille avec une tasse de thé et des biscuits. Les ânes sont débâtés et mis en pâture sur sa pelouse. S'en suivent un "debrief" de notre voyage et des recommandations pour demain, journée que l'on consacrera à la visite de Dublin.
Après un excellent dîner pris dans un pub à quelques rues de notre B&B, c'est 'extinction rapide des feux' car Jenny nous a réservé une visite du "Livre de Kells" à Trinity Collège, demain à 8h00 et il y a une bonne demi-heure de bus pour nous y rendre.
27 septembre. Dublin all day.
On part un peu avant sept heures pour prendre le bus direction le centre ville, afin d'être un peu avant huit heures devant l'entrée principale de Trinity College, vénérable institution fondée en 1592 par Elizabeth 1ère.
C'est dans la bibliothèque de l'université qu'est exposé Le Livre de Kells, manuscrit magnifiquement enluminé de 340 feuillets (approx. 37cm x 30cm), contenant principalement les quatre évangiles, écrit par des moines vers l'an 800 de notre ère.
Soleil, ciel bleu mais aussi vent très froid nous accueillent au point de rencontre. Un guide sympa, très compétent, un brin exubérant et plein d'anecdotes nous positionne devant la porte à 8h00. En effet, il est impératif d'arriver les premiers ou parmi les premiers, la queue et les délais de visite s'allongeant considérablement par la suite. En attendant de pouvoir pénétrer dans la petite salle "du Livre", il nous conte la merveilleuse histoire de ce manuscrit qui a tant de fois failli disparaitre au cours de ses 12 siècles d'existence.
Après des explications sur la conception du Livre, le nombre de veaux qu'il a fallu abattre pour en récupérer les peaux, la provenance parfois très lointaine des couleurs employées, la composition des encres, la teneur des textes et la multitude de symboles représentés, on nous laisse admirer pendant quelques minutes deux folios des originaux exposés puis des fac-similés agrandis exposés aux murs. Il m'est impossible de décrire ce que l'on a vu tant le travail d'écriture et de calligraphie enluminée est exceptionnel. Si les concepteurs d'une telle merveille ne devenaient pas aveugles à force de se concentrer, à la lumière d'une faible bougie, sur tant de détails infiniment petits, ils finissaient souvent empoisonnés par les encres et autres couleurs d'enluminures, constituées pour beaucoup d'entre elles de métaux lourds hautement toxiques, à force de mouiller et épointer leur fins pinceaux dans la bouche.
La seconde partie de la visite nous fait découvrir la bibliothèque à proprement parler. (The Long Room). Immense salle boisée de plus de 60m de long, au plafond en plein cintre, bordée de chaque côté par des alcôves contenant un nombre impressionnant d'étagères où sont rangés les quelques 200 000 volumes les plus anciens détenus par l'institution. C'est splendide !
Après quelques autres explications sur l'histoire et le fonctionnement de l'université, nous quittons notre guide pour nous rendre au musée d'archéologie, rempli de trésors que les tourbières ont protégés du vol ou de la destruction pendant de nombreux siècles, notamment de nombreuses pièces en or, finement travaillées, des objets de l'époque des Vikings, du Moyen-âge, etc. Le bâtiment lui-même est splendide, en particulier la mosaïque de l'entrée, sous la coupole... et c'est gratuit !
Essai infructueux de visiter la Cathédrale St Patrick. Elle était fermée pour cause de cérémonie spéciale. Dommage.
Alors... continuation vers la Distillerie Teeling par des rues bordées de boutiques, maisons et immeubles en brique, béton et autres matériaux, rivalisant de style mais surtout de laideur et de manque d'harmonie. Tout paraît avoir été jeté là en vrac.
Belle visite de la distillerie qui est la seule à produire du Whisky irlandais dans Dublin intramuros. Dégustation obligatoire...et achats raisonnables car les sacoches sont déjà bien pleines...
On termine cette belle journée en passant à la gare pour acheter les billets à destination de Cork, demain. Voyageant avec des vélos on nous oblige à acheter les billets en ligne !!... J'ai bien essayé de discuter avec la préposée revêche. Rien à faire ! Heureusement que Jenny a un téléphone plus moderne que le mien. Après les manips d'usage : création de compte, âge du capitaine et fourniture de tout un tas d'informations qui n'ont rien à voir avec un simple achat de billet de train, on récupère enfin nos titres de transport au distributeur.
Retour en bus, (dont la ligne démarre heureusement de la gare, car en route, s'il est plein, il ne s'arrête pas), et arrivée chez Rachel à Galloping Green sous une pluie froide et pénétrante. Un thé et direction le même pub qu'hier pour dîner. Journée bien remplie. Cyclistes heureux, même si ça commençait à sentir la fin du voyage.
Demain destination Cork.
Musée d'archéologie, détail d'une fibule en or retrouvée dans une tourbière. Age de Bronze, environ 2 000 ans avant JC.
Musée d'archéologie, châsse du Missel de Stowe, ayant contenu un livre de messe du 8ème siècle. Re-décoré en 1370.
28 septembre. Dublin - Cork. Beau temps sec...
Quatre tartines grillées chez Rachel et en route à 9h45 pour la gare de Dublin par une suite de belles pistes cyclables en descente continue jusqu'aux abords du centre-ville. Beaucoup de vélos.
Après le pont du 'Grand Canal', pendant sud du 'Royal Canal', on file à gauche dans Adelaide Street, rue orientée est-ouest, qui nous conduira aux abords de la gare. C'est plus tranquille que de passer par le centre et les quais de la Liffey.
En route, "l'Inspirational Team" comme nous appelle Rachel, passe devant l'église Saint Jacques, siège du 'Camino' irlandais. Deux Frères très sympas nous accueillent et nous fournissent cartes et autres souvenirs ainsi que deux magnifiques coups de tampon dans nos carnets.
Après une courte attente à la gare, le train est annoncé au quai N° 2. Malheureusement, ce sera un train "à goulottes", nous obligeant à une séance de musculation pour insérer les vélos à l'oblique dans les gouttières très mal commodes d'accès. Faut croire que ceux qui les ont conçus n'ont jamais eu à les utiliser...
La bonne nouvelle c'est que le train est direct. On n'aura pas à traverser la moitié de l'Eire comme il y a 15 jours.
Arrivée à Cork sous un soleil radieux, même chaud ! Devant un thé sur la terrasse d'un café, sur le quai de la Lee, écriture des dernières cartes puis passage à la poste. La ville, pleine de vie cette veille de WE, est bien plus accueillante au soleil que sous la grisaille que nous avions connue les deux fois précédentes.
La route vers le B&B est simple, celui-ci étant situé sur la 'Scenic Route' menant au port de Ringaskiddy. La lumière de fin d'après-midi est belle sur les plans d'eau et les coteaux vallonnés s'étalant au-delà du très large bras de mer. Les oiseaux marins s'en donnent à cœur-joie dans la vase.
Helen et John nous accueillent avec chaleur et curiosité. Ce n'est pas souvent qu'ils ont affaire à une équipe de cyclistes "père-fille".
Le dîner dans la bourgade voisine nous oblige à ressortir les vélos et parcourir trois kilomètres en bord de mer.
Il fait encore jour à l'aller mais le retour se fait à la nuit tombée. A la chaleur de la journée succède un froid pénétrant. Le retour semble bien long !
29 septembre. Ringaskiddy et retour.
On reste un bon moment à discuter avec nos hôtes, Helen et John. Lui est Américain et a grandi dans une ferme du Michigan. Elle, est Irlandaise. Ils se sont connus sur une base militaire en Allemagne.
En admirant sa collection de modèles réduits de vieux tracteurs et matériels agricoles divers, je propose à John de lui envoyer un 'vrai' tracteur : un Case IH, plus exactement un Steiger, car le vert de John Deere est trop prédominant à mon goût.. Ravi, il me remercie en me remettant un tout petit chenillard que je garderai précieusement en souvenir de notre visite.
Vers 11h00 on s'élance vers le port. Pas mal d'arrêts photo en route et visite de beau petit musée maritime du "Passage". L'histoire de ce lieu, ancien chantier naval en aval de Cork, est racontée à travers de nombreux documents, de beaux modèles de navires à voile et d'objets divers.
La terrasse ensoleillée du 'Bosun' nous happe au passage. Ultime occasion de boire une Murphy's pression avant l'embarquement.
Les derniers kilomètres jusqu'au port se font sans problèmes, sauf à devoir déplacer des barrières de chantier sur notre petite route coupée pour cause travaux. S'agissant d'une simple pose de canalisations, les vélos passent sans problèmes.
Arrivée à Ringaskiddy à 14h30. Formalités de douane et d'embarquement expédiées en un temps record.
Les vélos sont attachés par le personnel de bord dans un coin du pont N° 3. Cabine au pont N° 6. Belle vue sur la mer par l'immense hublot. Je file sur le pont pour assister à la sortie du port, admirant, comme à chaque fois, les rangées de maisons multicolores de Cobh, plaquées à la colline, telles des guirlandes de petits drapeaux de fête. C'est d'ici qu'est parti le Titanic pour son premier et ultime voyage... Derniers rayons de soleil sur les prairies surplombant la rade et soudain, au passage du phare, c'est le début de la haute mer.
Un 'repas de gala' clôt cette journée...et notre superbe périple 2018. Heureusement que l'on n'a pas encore tout vu de ce merveilleux pays. Cela nous donnera des raisons pour y revenir !
30 septembre. Roscoff - Morlaix - Paris. "Périple OVER...mais seulement en 'Pause' jusqu'au prochain départ...
Dur, dur de se réveiller à 5h00 du matin, 6h00 heure française), même au son d'une musique douce... On saute le petit déjeuner car le temps manque étant éjectés de la cabine à la demie cause ménage et remise en état des lieux pour le voyage suivant...
Dès l'ouverture (automatique) des portes donnant accès au pont, nous nous frayons un passage à travers les voitures moins nombreuses qu'à l'aller, afin d'accéder aux vélos attachés dans le coin du pont 3. Remontage des sacoches, remise des rétros à gauche du guidon et longue attente, le temps que les files successives sortent du navire. La place entre les voitures ne nous laisse la possibilité de nous faufiler avec les ânes de métal vers la file centrale, première à sortir.
Il fait nuit noir quand enfin on rejoint la terre ferme. Passage en douane sans problèmes et mise en route par la piste cyclable jusqu'à St Pol de Léon où on espère pouvoir prendre un petit déjeuner.
La boulangerie du coin de la place est ouverte et bien garnie en Kouign Amanns et autres "sucrances", comme dirait Jenny. Assis à califourchon sur un muret près de la basilique on déguste la spécialité tant attendue avec un café bien chaud, bien serré mais surtout, bien mérité.
Le jour commence à se lever. Il fera beau, mais c'est au prix d'un froid vif ! On emprunte la piste cyclable de Saint Pol vers le pont. Elle passe dans une belle campagne vallonnée, partiellement cachée dans les creux par des couches de brume matinale. Le ciel est magnifique.
Le Pont de la Corde passé, c'est Google maps qui prend la relève à travers une campagne quadrillée par de nombreux petits chemins agricoles que l'on devra emprunter avant de descendre vers la route de la corniche, en aval de Morlaix.
Nouvel arrêt au salon de thé situé sous le viaduc pour une boisson chaude plus viennoiseries prises au soleil de la terrasse. On y traîne un peu, c'est tout de même moins triste ici que sur le parvis de la gare.
Temps d'y aller. Après ce que l'on avait subi en Irlande, la côte de la gare paraît bien facile.
Nos deux expériences passées de la gare de Morlaix nous avaient laissé un goût amer. En bon fatalistes, on se disait "jamais deux sans trois".
Erreur !
Ici je dois faire amende honorable et dire tout haut que "tout n'est pas pourri dans le Royaume SNCF de Trégor et de Léon" !
En effet, je me risque à demander au chef de gare de faction ce dimanche après midi s'il serait envisageable de nous faire traverser les voies avec les vélos, vers le quai N° 2, par le passage 'de service' ?... Il me répond : "il n'y a que cela pour vous faire plaisir ?". J'en ai le souffle coupé m'attendant à la réponse habituelle : "Interdit, passez par les escaliers..."
Non seulement il nous fera passer au quai N°2 sans problèmes, mais me dira en prime, ..."que ceux qui nous ont refusé ce service par le passé se sont trompés de métier" !
Cerise sur le gâteau : il nous aidera même à monter vélos et sacoches dans le train, avant de donner le coup de sifflet du départ !!
Merci Monsieur le Chef de gare. Vous m'avez confirmé que "tout est possible à la SNCF", mais cette fois-ci dans le sens positif !
La bétaillère est pleine mais nos deux vélos seront les seuls à faire le trajet vers Paris.
Les huit kilomètres de la gare à la maison se font sans peine par le chemin habituel, même si le retour brutal au bruit, aux mauvaises odeurs et à la saleté de certains endroits de la capitale nous donnent une forte envie de faire demi-tour pour retrouver la campagne et la lumière de la verte ERIN.
Encore un merveilleux périple, le 6ème avec Jenny. 2019 arrive à grands pas, il va falloir que l'on réfléchisse au prochain sans trop tarder !
Rendez-vous en 2019 pour la 7ème édition des Voyages à Vélo avec ma Fille !