Publié le 1 Juillet 2016
L'an dernier, en terminant notre voyage à travers l'Allemagne et la République Tchèque, on s'était dit, Rémi et moi, que ce serait sympa, pour une fois, de découvrir un peu la France !
Restait à décider de la région. Le choix s'est rapidement porté sur la Normandie et la Bretagne qui s'enchaînent naturellement, tout en offrant paysages magnifiques et histoire passionnante.
Le parcours fut vite établi, car s'il y a des régions où la géographie et l'histoire sont intimement mêlées, c'est bien là, le long de la Seine, sur les côtes normandes et à travers la Bretagne.
Pour nous dégager de la région parisienne, gros obstacle à toute vélléité de cyclo-tourisme, nous avions décidé de prendre le train avec vélos et bagages, jusqu'à Rouen et de démarrer notre 'Périple 2016' à partir de cette ville.
En effet, hormis l'axe nord-est -le long de la Marne et/ou du Canal de l'Ourcq- et peut-être aussi vers le sud, le long de la Seine, sortir de Paris en vélo est un véritable cauchemar, puant, bruyant et dangereux, de bouts de pistes cyclables non reliées et pensées 'après-coup', de bas côtés de routes 'casse-gueule' et de signalétique inexistante ou carrément erronnée.. enfin tous les ingrédients qu'il faut pour décourager les plus tenaces !
La richesse de ce périple, dont une bonne partie s'est effectuée le long des plages normandes, m'a fait choisir de le décrire par étapes, tant chaque lieu traversé exige que le temps s'arrête afin que l'histoire puisse être absorbée dans le respect dû aux innombrables sanctuaires qui ponctuent la côte. La découverte à vélo fut magnifique et la lenteur du déplacement permit l'éclosion d'émotions insoupçonnées.
23 mai 2016. Paris - Jumièges, via Rouen...
La météo n'est pas engageante, mais c'est pas nouveau cette année. Les sacoches sont descendues dans l'entrée de l'immeuble, le vélo sorti de la cave et l'âne de métal est bâté sans problèmes. Au moment de mettre en route, grosse averse obligeant à mettre les habits de pluie et les guètres. Sauna assuré car il ne faisait pas froid. La route vers la gare St. Lazare ne présente pas de difficultés si ce n'est que la pluie rend les choses plus délicates dans les rues parisiennes.... ça bouchonne et ça gueule de partout. Heureusement, Rock'n'Roll se faufile parmi les bus qui bouchent les carrefours, les livreurs du matin garés à cheval sur la piste cyclable..... évitant les piétons qui traversent la tête sous le parapluie...
Rémi est à la gare. Trempé car il n'avait pas voulu s'arrêter pour enfiler le scaphandre...
Train annoncé avec 10 minutes de retard, cause "mouvement social"... Peu à peu le retard s'allonge mais à 35 minutes le numéro de quai est affiché et c'est la ruée. Bien évidemment, les wagons Corail acceptant les vélos sont en tête de train, nous obligeant à tout démonter sous une pluie qui redoublait !
Trajet vers Rouen sans problèmes. Dans le train on rencontre un 'Brompton', cycliste utilisant ce vélo anglais qui se replie et qui se transporte quasiment dans une valise. Super sympa, il nous aide à décharger vélos et sacs et, une fois tout remonté, nous guide à travers la ville, en route pour son boulot de Contrôleur aérien au terrain de Rouen.
On se quitte sur le parvis de la cathédrale à l'entrée des vieux quartiers. Arrêt rapide à l'Office du Tourisme qui nous remet une carte fort détaillée des boucles de la Seine avec indications des nombreux circuits et pistes. Excellent. Passage sous l'horloge, visite rapide de quelques vieilles rues, maisons à colombages... puis en route pour la promenade Normandie-Niémen, véritable départ de notre 1ère étape, le long des boucles de la Seine.
La promenade est très large et longe les quais où d'énormes vraquiers attendent leur tour ou sont au chargement.
La transition est souple et peu après le Musée Flaubert on se retrouve sur une piste cyclable qui nous mènera jusqu'au premier bac à Sahurs. Bonne surprise, les bacs qui traversent la Seine sont gratuits, car pris en charge par le Conseil Général.
Sur l'autre rive, c'est La Bouille. Piste et route départementale se confondront jusqu'à La Ronce où nous bifurquons vers Yville sur Seine. Ce sera l'occasion de faire connaissance avec la première mise en jambes.
Le bord de Seine est très beau. Alternance de belles demeures, de falaises calcaire creusées, parcs et pelouses, fleurs...
Le virage du château d'Yville, dans la descente vers la deuxième bac, offre une très belle vue sur la Seine.
Deuxième traversée sans histoires. Ce choix nous évite une bonne quarantaine de kilomètres mais surtout nous permet d'envisager une arrivée au camping de Jumièges dans un délai raisonnable car les boucles de la Seine sont interminables..
A la sortie du bac on préfère longer le fleuve via le chemin des Cornihouts, plutôt que de filer directement sur Le Mesnil-sous-Jumièges. Ce sera une erreur car le halage est une succession de pistes en herbe, de zones de graviers grossiers, d'ornières.. rendant l'avancée difficile. Une barrière, du côté du Cornihout du Mesnil met fin à nos misères et nous oblige à reprendre une petite route vers Jumièges. L'abbaye se dresse au-dessus des arbres, sa pierre blanche éclairée par le soleil de fin d'après-midi.
Le camping est en haut de la côte. On se fait plaisir en louant une tente toute montée, à peine plus chère à deux que deux emplacements individuels. Le toit intérieur représente une mappemonde. Heureusement que nos cartes étaient plus précises car, à suivre celle de la tente, on se serait bien retrouvés en Patagonie...
24 mai 2016. Jumièges - Fiquefleur-Equainville.
Réveillé de super bonne heure par la multitude d'oiseaux perchés dans le bois d'à côté. Dès les premières lueurs de l'aube tous les sifflets se mettent en route et c'en est fini du repos des campeurs.
Après un passage à l'Office du Tourisme qui accepte de nous tamponner le carnet bien que n'ouvrant plus tard dans la matinée, on file vers notre 3ème et dernier bac des boucles de la Seine. Pas de chance, aujourd'hui, cause entretien, il ne débute ses traversées qu'à 10h00.
L'alternative est de pédaler sur la rive droite jusqu'au pont de Brotonne, mais ni le pont, ni l'approche par la route nationale ne nous paraissent engageantes. Alors on attend !
De très gros navires descendent la Seine vers la sortie en mer... Pour nous, l'expérience sera de courte durée, car la traversée ne prend que quelques minutes.
Une fois sur la rive gauche, on passe Heurteauville, La Mailleraye-sur-Seine, Notre-Dame de Bliquetuit sur une route très sympa et surtout pas très passante. Faut dire que ça commence à devenir compliqué pour les automobilistes de trouver de quoi faire tourner leurs moteurs. Après les bloquages des raffineries par les camions, c'est maintenant le tour des employés de celles-ci de se mettre en grève... Vive la France !
On s'arrête cinq minutes à la Maison du Parc, histoire de se renseigner et d'obtenir un coup de tampon dans le carnet puis on repart en se disant qu'au prochain bourg on devrait s'inquiéter d'acheter de quoi faire le pique nique du midi... L'imposant pont de Brotonne est laissé à droite.
Le pont était en travaux, compliquant sérieusement la traversée pour des ânes de métal... Finalement sans le savoir, on avait fait le bon choix.
Ce n'est qu'à Vatteville-la-Rue que l'on trouve une petite épicerie de village tenue par une vieille dame qui notait soigneusement toutes ses ventes sur un cahier à la caisse.
Mauricette Lenormand nous sauve la vie ! Les sacoches avant remplies on part découvrir le village qui est un véritable enchantement.
Le court trajet entre de hautes haies, jusqu'à la sortie du bourg, est magique... Succession de chaumières anciennes et plus récentes, faîtières plantées d'iris, maisons à colombages, à toits d'ardoises, prés et jardins, charmilles, rosiers... C'est très beau.
La route de Vatteville - Le Val Anger via Aizier et Vieux Port est splendide. On s'arrête à Aizier, en bord de Seine, dans une prairie équipée de tables de pique nique. Il fait grand beau. Que demander de plus après tant de journées de froid, de pluie et de grisaille vécues depuis le début du printemps ?
Remise en route direction Trouville-la-Haule; deuxième raidillon au soleil et à l'ombre, obligeant à une gymnastique avec les vêtements pour éviter la pneumonie : très chaud au soleil mais très frais dans les sous-bois... Passage à Sainte Opportune-la-Mare puis descente vers le Marais Vernier, un lieu hors du temps et du monde !
Une seule route en fait le tour donc impossible de se perdre ! Elle est bordée de champs, de prairies, ressemblant un peu aux 'polders' vus au Pays-Bas l'an dernier. Profusion de roseaux, de rigoles d'écoulement des eaux. Oiseaux, fleurs, calme absolu. Des parapentistes arrivent des hauteurs, jonglant avec les ascendances le long de la crête, se posant dans un pré où une minuscule manche à air orange les aide à l'atterrissage. La petite route est bordée de fermes et de très belles maisons. Malheureusement, il y a aussi des ruines et des cours des miracles.
A La Cour, on bifurque à gauche pour une nouvelle grimpette. En effet, tout le Marais Vernier est en contrebas de la 'falaise' boisée.
Belle descente vers Foulbec. A défaut de passage sur le pont, un restaurant routier nous appose son tampon "Le Relais de Tancarville" !
La circulation se densifie un peu malgré les problèmes d'avitaillement en carburant et les derniers kilomètres nous séparant de La Rivière Saint Sauveur sont parcourus sans problèmes, le relief étant très plat à cet endroit. Après une part de flan et un Orangina, c'est retour en arrière vers Fiquefleur-Equainville, direction le camping de la Catinière.
Pour une misère on nous propose de dormir dans un tonneau !
Toute nouvelle expérience est toujours bonne à vivre, alors va pour le tonneau !!
25 mai 2016. Fiquefleur - Bénouville, via Saint-André-d'Hébertot.
Dormir dans un tonneau en bois est une expérience qu'il ne faut pas louper ! Faut simplement que le tonneau soit couché. La chaleur accumulée la veille s'était peu à peu dissipée durant la nuit, la rivière voisine aidant, il y faisait un peu frais tout de même au petit matin. Petit déjeuner dans les appartements, portant une attention toute particulière au camping gaz car il ne s'agissait pas de mettre le feu à notre habitation 100% sapin !
Mise en route vers Honfleur pour un rapide tour de la ville, avant de repartir vers Saint-André- d'Hébertot. On passe sous la route menant au pont de Normandie, énorme voilier enjambant l'estuaire de la Seine, dont le haubanage scintillait au soleil du matin.
Après avoir acheté un petit drapeau normand pour ajouter à mon mât, on fait un rapide tour du bassin où les cafetiers et autres commerces s'activaient à mettre tout en place pour les hordes qui envahiraient les lieux en fin de matinée...
Le plus court pour rallier Saint-André-d'Hébertot était de retourner à la Rivière-Saint-Sauveur et filer plein sud vers Genneville et Saint-Benoît. La sortie de Saint Sauveur fut l'occasion d'une belle mise en jambes dans une côte qui n'en finissait pas..
A Honfleur, les automobilistes faisaient la queue pour obtenir les 20 litres de carburant autorisés par le Préfet... A Genneville, les pompes de la station service étaient vides :
Plus de G-O; Plus de Sans Plomb 95; Plus de Sans Plomb 98...
A Saint-Benoît on se fait tamponner le carnet par le Maire qui jardinait devant la Mairie. Rémi se présente et rapidement c'est une plongée dans le passé : des souvenirs enfouis depuis 50 ans resurgissent, noms, lieux reviennent en mémoire... Le temps file, faut y aller.. On se dit au-revoir et on file vers Sant-André, deuxième objectif de la matinée... car c'est dans ce village qu'est né Rémi... et il n'y a jamais remis les pieds depuis l'enfance !
Le petit bourg est splendide. Si actif et plein de vie dans les années 50, il n'est malheureusement plus, comme tant d'autres lieux en France, qu'un 'village-dortoir'. Tout est nickel, tiré au cordeau. La rue principale est une enfilade de petites maisons basses à colombages. L'église est au bout de la rue, adossée à la forêt et au parc du château situé en contrebas.
La voie verte Saint-André - Pont l'Evêque est une ancienne ligne de chemin de fer reconvertie. Belle voie roulante surplombant la campagne environnante, en légère descente jusqu'à destination. Pont l'Evêque est atteinte sans problèmes en début d'après midi. Nouvelle succession de belles maisons à colombages.
Passage à l'Office du Tourisme qui nous remet une pochette très complète des voies cyclables du Calvados. C'est bien fait et sera très pratique.
Proximité du 6 juin oblige : les abords de l'OT ont été décorés pour l'occasion. La réplique d'un chasseur américain, dont le pilote fut tué le 14 juin 1944, est là pour rappeler le prix élevé de la Liberté, des sacrifices maintes fois rappelés tout le long de la côte que nous nous apprêtions à découvrir.
La petite phrase du poème de Paul Verlaine, inscrite en écriture d'écolier, parmi les massifs du jardinet, fait froid dans le dos quand on pense à ce qu'elle a déclenché dans la nuit du 5 au 6 juin 1944.... "Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon coeur d'une langueur monotone"... Il est impossible d'imaginer l'effet qu'elle a produit sur ceux qui l'ont entendue clandestinement, cette nuit-là, à la TSF...
Une plaque du Souvenir Français, fixée au mur de l'église Saint Michel, énumère d'autres vies perdues. Chaque nom, chaque lieu, chaque cause rappelle la folie des hommes.,
On quitte Pont-l'Evêque vers le NW, par une petite route en direction de Tourgéville, l'objectif étant de retrouver la côte à Villers sur mer. Superbes maisons normandes, prés envahis de boutons d'or, vergers de pommiers fleuris... une caricature de la Normandie ! On se serait cru entrain de parcourir le couvercle d'une boite de Camembert Graindorge...
Curieuse rencontre avec un bonhomme tombé d'une camionnette en téléphonant... l'homme est allongé dans l'herbe du bas côté, un collègue est avec lui. Ils attendent les secours...
On avait judicieusement annulé le parcours via Deauville, tirant un trait direct sur Villers. Ce choix nous économisa assurément 20 kms et au moins une heure de route.
Villers est atteinte sans problèmes. Une belle descente nous y amène car le bord de mer n'est pas sur le plateau.. dommage ! La ville termine ses plantations et ses travaux de peinture en vue de la saison qui ne saurait tarder. Malgré le soleil, les rares touristes se promènent bien couverts... Le vent du nord est glacial !
La sortie de Villers sur mer porte un rude coup aux mollets. La côte est raide, toute droite et en plein soleil. A mi-parcours je m'arrête pour enlever une couche, le K-Way étant devenu un sauna ambulant. L'arrivée à Auberville, sur le plateau, est appréciée. L'employé de l'OT de Villers nous avait dit "qu'après, c'est plat"... et il avait raison.
On passe une succession de petites villes de bord de mer toutes plus proprettes les unes que les autres... Même frénésie des jardiniers et des peintres ! Tout doit être prêt pour la saison...
Les drapeaux et oriflammes battent frénétiquement au vent, les 'moulins' de plage multicolores, tournent à rompre !
Houlgate, Dives sur mer, Cabourg, Merville-Franceville Plage (arrêt obligatoire pour re-fueler en sucre via une superbe part de flan...).
La route vire finalement vers le sud-ouest. Après Sallenelles c'est Bénouville, l'objectif de la journée.
On franchit le pont sur l'Orne, immortalisé par Bill Millin qui le traversa en jouant de la cornemuse, puis c'est le Pegasus Bridge...
Le camping des Hautes Coutures est bien évidemment situé sur les 'hauteurs' de Bénouville... C'est classique en fin de parcours !
26 mai 2016. Bénouville - Caen - Bénouville.
La journée sera consacrée à visiter le Pegasus Memorial à Bénouville et le Mémorial de Caen.
Pas besoin de mettre en route trop tôt car le Pegasus Memorial n'ouvre qu'à 9h30. On met en route pour un premier arrêt au café Gondrée, véritable mini musée rempli de souvenirs divers et variés, de photos, d'uniformes etc... que les uns et les autres ont donné aux propriétaires de cette première maison française libérée par les alliés dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Le tampon de la maison orne une nouvelle fois mon carnet de vélo-pèlerin. Le Pegasus Memorial se passe de commentaires.
Il faut regarder, imaginer, se taire et méditer.
Le musée est essentiellement axé sur les opérations menées par les troupes qui sont arrivées de nuit par planeur, en l'occurence des 'Horsa' en bois et toile. Beaucoup s'abimeront dans l'obscurité. De nombreux objets illustrent les actions entreprises pour sécuriser les deux ponts hautement stratégiques. La cornemuse de Bill Millin rappelle l'invraisemblable témérité de ce piper qui jouera jusqu'à ce qu'un éclat de mortier ne fasse taire son instrument (qu'il démontera et ramènera chez lui...).
L'émouvante photo du Sergent Lanternier, Béret Vert, Fusilier Marin, appartenant à la seule unité française à avoir débarqué le 6 juin. Photo prise deux jours après la bataille de Ouistreham.
Pour nous c'était le voyage inverse : l'an dernier nous avions parcouru l'Elbe, cette année l'Orne...
Après deux heures de visite il était temps de filer plein sud vers Caen où un autre 'monument' de la seconde guerre mondiale nous attendait.
Mais avant de nous lancer dans les nombreuses salles incroyablement riches du Mémorial de Caen, il fallait remettre du pétrole dans les cyclistes. Le restaurant 'Quai 52' s'assurera de cette prestation en nous servant une magnifique assiette de tripes...
Comme à Bénouville, le lieu ne se décrit pas : on le vit en passant de salle en salle, quittant tout d'abord les derniers coups de canon de la première guerre mondiale et l'humiliation allemande qui portait en elle les germes de la revanche. Il ne faudra que 20 ans au peintre-caporal pour entrainer le monde dans une nouvelle période d'horreur absolue.
Les affiches illustrent les convictions, l'intolérance et les haines qui en découleront.. La crise de 1929 avait mis l'économie parterre... rien de tel qu'une bonne guerre pour relancer la machine !
Défendons Moscou. Une fois encore le 'Général Hiver' sera d'un précieux secours aux troupes soviétiques.
Pour les Soviétiques : 'Objectif Berlin', objectif atteint, mais certainement pas dans la joie et la bonne humeur !
Durant notre longue visite de ce lieu, qui devrait être une 'piqure de rappel' obligatoire pour toutes les générations, nous ne nous étions pas rendus compte que les cieux s'étaient chargés de nuages bien menaçants. Le retour au camping de Bénouville sera physique et les 15 km parcourus avec des braquets dignes du Tour de France. A peine arrivés, l'orage éclata.
27 mai 2016. Bénouville - Bayeux
Mise en route sur la dernière section de piste menant de Bénouville à Ouistreham, puis longue balade le long de la côte, aux prises avec une brume de mer persistante.
Lion sur mer, Luc sur mer, Langrune sur mer, Saint Aubin sur mer, Courseulles, Ver, Asnelles.... Arromanches les bains. Pas toujours de piste en site propre mais parcours très agréable et sans difficulté aucune. Ciel bleu, soleil et un tout petit vent du NE éclaboussent toutes ces communes remises à neuf, peintes en blanc. Mille couleurs de drapeaux, oriflammes et moulins de plage..
Arrêt dans la plupart des OT de la côte pour une dernière sur la météo... le brouillard va-t-il se lever ? Réponses rassurantes et optimistes à chaque fois... mais sans réel changement jusqu'en début d'après-midi.
L'arrêt pique-nique se fera au pied de la Croix de Lorraine à Graye sur mer, là ou le Général de Gaulle a posé le pied en France le 14 juin 1944.
Arromanches est atteinte en début d'après-midi. On assiste à la projection de l'incroyable film dans la salle "Arromanches 360" puis c'est la descente en ville pour visiter le musée du débarquement, exposant de nombreuses maquettes expliquant la construction du port artificiel.
L'après-midi avançait et on avait encore "du pain sur la planche" car la visite de la Tapisserie de Bayeux était aussi inscrite au programme de la journée !
Après une belle côte nous remontant sur le plateau, on avalera les 12 kilomètres et quelques séparant Arromanches de Bayeux à vitesse 'grand V', sur un faux-plat en descente continue.
Inscription au camping municipal -très sympa- et direction centre-ville pour arriver avant la fermeture du musée.
Le parcours le long des 68 mètres de tapisserie est organisé de façon très fluide, permettant à tous d'avancer lentement, sans se bousculer, et d'écouter à l'aide d'audiophones, la tragique histoire retraçant les déboires d'Harold, fils d'Edouard le Confesseur, face à Guillaume le Conquérant. Les index imprimés dans la partie supérieure de l'ouvrage permettent un repérage des évènements décrits et assurent un avancement continu des visiteurs.
On aura même le temps de visiter les autres salles de ce musée magnifique et de visionner un film avant de retourner vers le camping, en longeant l'Aure.
28 mai 2016. Bayeux - Sainte-Mère-Eglise.
Météo grise, bouchée et froide. Brouillard. Mise en route par la vieille ville pour rattraper la véloroute. Arrêt à la cathédrale pour une courte visite.
La piste est relativement bien indiquée jusqu'à un carrefour en limite de ville. Sans indication contraire on continue en face... et bien évidemment on se plante dans un chemin qui devient vite impraticable. Un vieux monsieur faisant sa promenade quotidienne nous remet dans la bonne direction. Fallait tourner à droite au carrefour... Le chemin vers Colleville passe par une succession de villages pas bien gais : Vaucelles, Sully, Maisons, Etréham, Russy...
Le brouillard et le froid ajoutaient une touche d'irréel à ce trajet vers Colleville. L'horizon invisible et l'absence totale de bruit nous préparaient peu à peu à aborder l'incommunicable.
Au Visitor Center rien n'est laissé au hasard et tout le monde passe sous le portique de sécurité. On abandonne nos canifs aux gardes qui nous les rendront à la sortie.
Le lieu est d'une propreté et d'un entretien à la hauteur du respect dû aux 9 387 soldats qui y reposent. Pelouses, massifs, arbres, stèles... tout dégage une sérénité intransmissible.
Au moment de notre visite, quelques jours avant le 72ème anniversaire du débarquement, toutes les tombes étaient marquées par un petit drapeau Américan et un petit drapeau Français.
Emotion maximale, silence, recueillement.
On reste un certain temps à errer parmi les tombes, à lire les noms, les dates et la provenance de cette jeunesse sauvagement fauchée par la folie des hommes.
La remise en route se fait en silence. La visite d'un tel lieu ne peut qu'appeler à la réflexion et se passe de commentaires.
La D514 qui longe la côte passe par une succession de villes tristes et quelque peu laissées pour compte, en complète opposition avec celles que l'on avait traversées jusqu'à Arromanches. Maisons et magasins à vendre, vides, peu entretenues. Ca ne sent absolument pas la gaité colorée et vivante d'hier. C'est comme un autre monde. Le brouillard et le froid n'arrangent rien.
On s'arrête à la Pointe du Hoc, autre lieu chargé de courage tant l'entreprise pour déloger les Allemands paraissait impossible. Un film retrace les évènements de la prise. Des survivants témoignent, submergés par une émotion indélébile que le temps n'effacera jamais.
La monumentale 'Statue de la paix', érigée à l'entrée de Grandcamp-Maisy, est un don du Peuple chinois au Peuple de Normandie. Oeuvre du sculpteur chinois Yao Yuan, elle fut mise en place à l'occasion du 60ème anniversaire du débarquement.
Les Offices du Tourisme d'Isigny et de Carentan sont très actifs et nous donnent des infos très utiles pour la suite du parcours. La demoiselle de Carentan nous conseille vivement de passer par Utah Beach ce que l'on fera au départ de Sainte-Mère-Eglise.
Le dernier tronçon vers l'étape du jour est dur. Le froid et le brouillard persistant nous coupent les jambes.
Passage à Sébeville, minuscule village de 2,88km2 et 27 habitants, mais équipé tout de même d'une mairie. Les petites routes sont encaissées entre des talus et des haies.
Cette journée laissera une curieuse sensation. Etaient-ce les visites du cimetière de Colleville, de la Pointe du Hoc qui avaient altéré notre humeur ou la météo qui nous a bouché la journée...ou les deux réunies ?
Toujours est-il que le camping très sympa de Ste Mère, la douche et un repas consistant à 'La Pomme d'Or'ont finalement réussi à remettre les cyclistes d'aplomb.
29 mai 2016. Sainte-Mère-Eglise, Utah Beach, Saint Lô.
Mise en route de bonne heure afin d'avoir le temps de visiter tous les lieux retenus dans notre programme du jour. Premier arrêt, l'Airborne Museum où l'on arrive dès l'ouverture. Composé de plusieurs bâtiments il offre au visiteur une série de thèmes différents où l'aviation tient une place de choix. Un planeur Waco et un Douglas C-47 y sont exposés entourés de mannequins mis en scène avec des matériels divers. Un autre hall abrite la reconstitution très réaliste de l'intérieur d'une carlingue de largueur de troupes aéroportées, en opération de nuit. Bruitages, films, lumières; tout est très bien fait. Plus loin c'est une scène des mêmes troupes arrivées au sol...
Le moment le plus émouvant de la visite est un film d'une quinzaine de minutes, véhiculant certainement le message le plus puissant de notre périple le long des plages du débarquement.
Deux heures de visite passent très vite !
Photo ahurissante : médecins allemands (prisonniers) aidant les médecins Américains à l'Hospice de Ste Mère !
Mise en route vers Utah Beach après deux expériences équivoques avec des commerçants blasés et roublards affichant des attitudes incompatibles avec ce que l'on attendrait dans un tel lieu...
Le trajet vers Utah Beach se fait le long de petites routes bordées de haies et de talus, Odeur des foins, des aubépines, du sureau en fleur, iris jaunes des marais, vent apportant l'air du large.
Cette zone de marais qui avait coûté la vie à tant de paras est maintenant en décalage total avec le temps. On n'était pas en 2016 en parcourant ces petites routes, la tête pleine des messages qu'encore une fois nous avions entendus.
On débouche face au monument Leclerc, rappel du serment de Koufra puis continuation le long de la dune vers le musée d'Utah Beach.
La plage est immense, plate et s'étend à perte de vue du sud au nord. La mer ce matin vient doucement mourir sur le sable dans des successions de vaguelettes à crêtes blanches. Elle est loin : c'est marée basse.
Le musée d'Utah Beach est encore différent des autres. Il abrite un B-26 "Marauder" authentique, des matériels de débarquement et bien d'autres objets qui viennent compléter ce que nous avions déjà pu voir ailleurs. L'OT de Carentan nous a très bien conseillés !
Il était plus de 13h00 et nous n'avions que 15 km au compteur... Mise en route par la véloroute de Roscoff à Kiev (Euro 4) qui emprunte la même voie que celle que nous avions prévue.
Sur la route de Carentan, un automobiliste nous aborde en nous indiquant la présence de phoques dans la baie de la Vire !
Bien évidemment pas question de louper un tel évènement.
Au bout d'un chemin en cul de sac, on aperçoit au loin les masses sombres de 3 phoques allongés sur la grève... Un d'eux lève la tête au passage d'un avion volant très bas. Pas de doute, ce n'étaient pas des troncs d'arbre échoués !
Repassage à Carentan où le flèchage de la véloroute disparaît. C'est classique dans chaque ville. Ca énerve et ça fait perdre du temps..
Finalement, c'est grâce à un couple de vieilles personnes que nous avons enfin découvert la sortie. Merci à eux !
La voie verte reprend le long de la Taute, rivière paisible bordée de saules. Elle la quitte pour zig-zaguer dans la campagne. Nous on choisira un raccourci qui nous fera économiser une bonne dizaine de kilomètres jusqu'à Pont Hébert où l'on retrouve notre véloroute de St Lô.
L'étape est atteinte à 18h30.
Nous voyant discuter devant une carte de la ville, un cycliste sympa nous conseille pour l'hébergement du soir. Deux choix, un petit hôtel en haut de la côte, juste après l'hôpital, pas bien loin, ou un autre établissement plus modeste en bas de la côte, et bien plus près . Le choix est vite fait.
Excellent accueil à l'Auberge Normande, petit hôtel "Vieille France" tenu par un vieux couple charmant.
Chambre avec douche mais toilettes sur le palier. Pas de soucis !
Le repas du soir était conforme aux commentaires de notre ami cycliste : très bon et copieux.
Extinction des feux à 22h30, la tête bourdonnant de tout ce que nous venions de découvrir et de vivre tout au long des plages du débarquement du 6 juin 1944...
Prochain objectif : le Mont St Michel. 160 km à faire en deux jours ! Ca devrait pouvoir se faire !!
30 mai 2016. Saint Lô - Sourdeval.
Certainement une des étapes vélo les plus 'physiques' que j'ai connues !
Ayant quitté nos excellents hôtes de l'Auberge Normande, on vise l'OT (Office du Tourisme) pour un coup de tampon.
Pas de chance, ils ne travaillent ni le dimanche, ni le lundi avant 14h00 ! Il ne doit pas y avoir grand-chose à voir en ville....
Passant devant le siège de 'La Manche Libre' on tente notre chance. La réceptionniste très sympa nous met le coup de tampon de passage et nous fait cadeau de stylos et d'auto-collants des lions de Normandie.
La piste verte court le long de la paisible Vire, serpentant dans les bois et les prés.
En route, je ne peux m'empêcher de photographier une vieille Pelle Poclain tristement abandonnée au fond d'un terrain. Elle a assurément connu de meilleurs jours...
Parfois la piste n'est plus qu'un sentier encaissé entre de hauts talus boisés. C'est là qu'il faut se méfier, car par expérience, c'est dans l'ombre que les ornières se cachent...
Ca fait certainement très longtemps que l'éclusier n'est pas passé à l'écluse de Bouttemont.
Notre affaire est sans histoires jusqu'à Tessy sur Vire où l'on s'arrête fair le plein pour le pique-nique de midi. Reprise de la véloroute en direction de la Souleuvre...
L'embuscade a lieu juste après Pont Farcy. La route fait un virage après un gîte en bord de rivière et soudain monte à 10%, sans prévenir..
Sur plusieurs kilomètres ce ne sera qu'une succession de montées infernales et de descentes très raides que l'on n'osera pas prendre plein badin, de peur de rencontrer un troupeau, un tracteur ou la camionnette du facteur dans un virage... Ca n'en finissait pas ! C'était l'enfer, car en plus de l'effort, il fallait sans cesse gérer les habits : montée sauna, descente glaciale...
Parvenus à une intersection en 'T', un automobiliste, qui nous suivait depuis un moment, s'arrête et nous demande où l'on allait. Lui ayant donné l'info, il nous recommande de ne pas suivre les flèches de la véloroute à cet endroit, mais de prendre un raccourci bien moins pénible. Il nous indique qu'il tenait un garage un peu plus loin et nous invite à nous y arrêter en passant.
Le conseil fut suivi et en 10 minutes d'une route beaucoup plus acceptable on était dans sa cour. On en profite pour mettre de l'air dans les pneus et passer un coup de soufflette sur la transmission. Après avoir discuté quelques minutes, il nous conseille d'attendre le Viaduc de la Souleuvre pour pique-niquer, l'endroit étant agréable et bien équipé en tables etc...
Une fois encore le conseil est suivi et après avoir été baladé à travers toute la campagne environnante sur la Véloroute du Mont Saint Michel, on arrive enfin à la Souleuvre, tapie au fond d'une vallée profonde, autrefois enjambée par un viaduc.
Les piles du viaduc ont été aménagées depuis un certain temps déjà pour permettre le saut à l'elastique (€140 le saut et € 60 pour la photo -optionnelle-)... Le fond de vallée, lui, a été transformé par un jeune couple en centre de loisirs : magnifique site de Luge toutes saisons, parcours 'Pieds nus au Jardin', restauration légère. Après le pique-nique, nous avons longuement discuté avec les propriétaires des activités 'du fond de vallée'. Beaucoup d'argent a été investi, mais les résultats sont très prometteurs. Bravo !
Temps de remettre en route car la route à parcourir était encore longue et notre moyenne du matin pas extraordinaire...
Bien évidemment, pour sortir de la vallée il fallait remonter la 'berge' opposée. Sur le plateau la voie verte suit une ancienne ligne de chemin de fer en faux-plat (montée) continu et ce sera comme cela jusqu'à Sourdeval où on jette l'éponge, nous offrant, pour les peines endurées durant cette difficile journée, une très belle chambre d'hôte chez Monsieur et Madame Boscher.
Le passage à Vire ne laisse pas d'impressions indélébiles. La piste en fait le tour et l'humeur n'était pas à la visite. De plus il s'était mis à bruiner...
Dernier détail, mais non des moindres.... une belle "Contribution à la Culture des Masses" sur un rond-point de Sourdeval.... C'est sensé représenter un saumon...
31 mai 2016. Sourdeval - Courtils.
Excellent petit déjeuner avec une profusion de bonnes choses faites maison. On aura même le droit aux premières fraises du jardin et à un énorme bol de Teurgoule (spécialité normande - sorte de riz au lait très lentement cuit et doré à point).
Inutile de dire que tout y est passé. C'était délicieux et je recommande à tous ceux qui visitent cette belle région de ne pas louper l'occasion d'y goûter !
Après un brin de causette avec nos hôtes charmants il est temps de mettre en route.
Très bon accueil à l'OT où la préposée nous remet une pochette complète de toutes les voies cyclables de la Manche.
Rapidement la météo tourne au crachin épais et à la pluie nous obligeant à nous déguiser, une fois de plus, en scaphandriers.
Notre route nous mène à Mortain où nous faisons un arrêt pour les achats du pique-nique. On rattrape la voie verte en sortie de Mortain, en bas d'une belle descente. C'est la longue route Domfront - Mortain - St Hilaire - Mont St Michel, une succession interminable de faux-plats en montée et en descente.
La ville de St Hilaire du Harcouët a judicieusement installé un abri avec une grande table de pique-nique juste avant l'intersection menant en ville.
On en profitera pour manger au sec.
Remise en route sur la dernière section de la Véloroute du Mt. St. Michel, direction Pontaubault.
Depuis mon dernier passage en 2012, la voie cyclable a été rallongée au-delà de Pontaubault, longeant la côte. C'est une voie partagée mais très tranquille. Ce nouveau parcours me désoriente par rapport au circuit précédent via Ceaux et on perd un peu de temps à trouver la route de Courtils, village indiqué nulle part !
J'avais choisi de revenir chez Madame Ménager qui tient une chambre d'hôte du nom de "L'Antre de Brocéliande". L'accueil, il y a 4 ans, avait été extrêmement sympathique et généreux. Rien n'a changé, Martine Ménager est une excellent hôtesse !
Durant les derniers 150 km, les vélos avaient ramassé pas mal de boue sur les chemins en 'tout venant'. Martine nous prête son jet et des brosses et en 10 minutes les montures sont décapées dans le jardin et de nouveau présentables.
Comme lors du dernier passage, le repas du soir sera pris 'Au P'tit Quinquin' à Ceaux. Très bon et pas cher !
1 juin 2016. Courtils - St Coulomb (St Malo).
Au petit déjeuner on fait la connaissance d'un couple dont le mari était originaire de Hambourg. Nous ayant entendu parler de notre périple le long des plages du débarquement, ce dernier, âgé d'environ 65-70 ans, partage avec nous une histoire de famille authentique mais ahurissante.
Un de ses aïeux dirigeait le "Comité de sélection" de l'Académie de Vienne en Autriche lorsqu'un 'caporal-peintre' s'y présenta dans l'espoir d'y être admis. Ses oeuvres furent refusées et Adolphe se dirigea vers une autre carrière... Lors de sa prise de pouvoir il s'empressa d'emprisonner la famille de notre voisin de table. Vraisemblablement elle survécut à la guerre.
Peut-on imaginer que l'Histoire tient à si peu de choses ?
Les vélos avaient eu le temps de sécher durant la nuit dans le hangar de Martine. Un coup de graisse, un patin de frein changé et on met en route vers La Roche Torin où la mer était totalement retirée, découvrant des kilomètres carrés de sable et de vase. Des pèlerins traversaient la baie à pied en file indienne serrée.
Photos obligatoires dans ce site incroyable de prés salés avec le Mont en toile de fond.
Après en avoir pris plein les yeux, on continue vers la nécropole allemande de Huisnes sur mer.
L'impression reste la même que lors de ma première visite. Celle d'une incompréhension, d'une grande tristesse devant un tel gâchis de vies... Plus de 11 000 personnes reposent ici dans des 'alvéoles' sombres, condamnées à l'obscurité éternelle.. La "Lumière" qui se dégage de Colleville est-elle le privilège du seul vainqueur ?
Un dernier coup d'oeil du Mont Saint Michel -vu de loin- avant de reprendre la route pour l'aborder par la nouvelle passerelle..
On approche en longeant le parking, dont on parle autant que du Mont lui-même.
Les Marchands du Temple bordent la route jusqu'à la passerelle : succession d'hôtels, de restaurants, de magasins de souvenirs made in China...
Les navettes charrient les charters de Japonais, de Chinois et d'automobilistes qui n'ont d'autre choix que de payer les tarifs exhorbitants du parking, ne pouvant plus s'approcher comme au temps jadis.
Le cycliste lui jouit encore d'une semi liberté. La passerelle ne nous est pas encore interdite. Malgré tout, un préposé peu convaincu nous informe, quasiment au pied du Mont, que les vélos sont interdits de 10h00 à 18h00... N'ayant rien vu dans ce sens à l'entrée, on continue et on gare nos montures, par prudence, à côté de la voiture de la Police Municipale.
On prend le temps de faire un tour dans la Grand Rue, d'acheter des cartes et de les envoyer. Le préposé de la Poste nous appose un superbe tampon dans nos carnets.
L'endroit est déjà envahi par des groupes de touristes suivant les parapluies levés et autres signes de reconnaissance de leurs guides. Circulation piétonne difficile, bruit, cris, mouvements subits de foule, tels des vols d'étourneaux en octobre... tout le monde à droite, tout le monde à gauche... razzia dans les boutiques de souvenirs, cinq minutes pour les photos et pour acheter la boite de biscuits et ensuite retour au car, mission accomplie ...
On ne s'attarde pas. La marée est retirée à l'horizon alors on ne saura pas cette fois si le Mont est véritablement redevenu une île... Dommage. Next time !
La véloroute suit la rive droite du Couesnon sur une courte distance.
Carte mal lue = galère dans les champs de légumes divers... On traverse le Couesnon à Beauvoir au lieu de descendre plus bas en direction de Pontorson.
Résultat, bien qu'étant entré en 'territoire ami -la Bretagne-' (comme dirait mon beau-père breton), on se perd rapidement dans un dédale de chemins et de digues que seuls les cultivateurs du coin sont capables de démèler. Finalement, après avoir pédalé parmi les rangs parfaitement alignés d'asperges, de betteraves rouges, de carottes et de pommes de terre, c'est un facteur qui nous remet sur la bonne voie, qui obliquait progressivement vers la côte.
Polders, prés salés, polders, prés salés... à perte de vue côté mer. Plages immenses, mer à des kilomètres du rivage...écoles de char à voile... Vent du NE...
On passe Cherrueix et les nombreux moulins bordant la côte. Arrêt au Moulin de la Saline et à l'OT implanté juste à côté. La visite du moulin est libre et très intéressante.
Le Vivier sur Mer, Hirel, Saint Benoît des Ondes... côte plate, ventée (heureusement vent arrière...), succession de villages qui semblent encore préservés des vélleités de bétonnage des promoteurs..
Beau raidillon à St Méloir des Ondes pour rejoindre la D76 en direction de Cancale.
Marquage du Tour de Manche ou de l'EV 4 sommaire ou inexistant. C'est vrai que l'on ne peut pas se perdre en longeant la côte, mais en abord de 'ville' ça évite de s'embarquer pour des kilomètres inutiles.
Le ciel plombé et le vent du nord donnaient un air de tristesse à Cancale où les rares touristes se promenaient doudoune sur le dos...
Contrairement à la météo, la demoiselle de l'OT était pleine d'entrain et de gaité, nous indiquant le meilleur et plus court chemin pour nous rendre à Saint Coulomb où l'on avait prévu l'étape. L'OT de Saint Coulomb fit preuve de la même gentillesse et nous réserva une chambre d'hôte à La Guimorais.
Seul désagrément de la journée : l'impression de s'être fait sérieusement arnaqués à la Créperie de la Guimorais. C'était cher et mauvais, une honte pour l'Association des Crépiers à laquelle ils prétendent appartenir !
2 juin 2016. Saint Coulomb - Saint Méen le Grand.
Mise en route vers St Malo sous un ciel bien chargé. Très vite confrontés à un léger crachin, puis le ciel se stabilise en gris uni. La ville des corsaires est atteinte après une dizaine de kilomètres. La véloroute nous fait longer le front de mer. Un cours de gym bat son plein. Les participantes n'ont pas l'air convaincues. Faut dire que la météo n'était pas engageante. Il faisait même froid.
Intramuros, rien de bien excitant : rangées des mêmes boutiques que la mondialisation nous condamne à voir partout, souvenirs, restos, hôtels... le tout encastré dans des rues étroites, austères et bruyantes.
On décide de filer vers le quai où l'on embarque pour Dinard. Un léger qui-pro-quo entre Rémi et moi fait que l'on se retrouve sur le ferry de 10h10 au lieu de 10h50..(mais les évènements de la journée confirmeront que c'était le bon choix).
Dinard est atteinte en quelques minutes. On débarque sur un plan incliné qui remonte vers la plateforme où se trouvent les caisses.
Puis c'est la surprise !
La sortie vers le niveau de la rue se fait par un escalier étroit d'une dizaine de marches ! Cela nous obligea à tout démonter, à transporter sacoches et vélos sur la plateforme supérieure et à tout remettre en place... NUL !
Habitués à ce genre de stupidité, l'affaire n'était pas un gros problème pour nous... mais il y avait aussi un groupe de personnes agées avec vélos et même une personne en fauteuil...
Résultat : on se retrouve à aider tout ce petit monde à monter à l'étage, chariant vélos et fauteuil et donnant le bras aux anciens...
Une fois l'exercice terminé on fait part de cette situation totalement inadmissible aux personnes de la caisse. "Ca fait des mois qu'on l'a dit à la Mairie" qu'ils nous répondent...
Traversée de la ville assez rapide car il n'y avait pas grand-chose à voir. On ne se bousculait pas sur la plage de l'écluse, ni dans la piscine d'eau de mer. C'est vrai que ce n'était pas encore l'été...
L'Office du Tourisme "prend note" de nos commentaires relatifs à l'escalier. Chacun se renvoie la balle : compagnie de navigation, ville, département etc... Dans dix ans rien n'aura changé. Le diable est dans les détails !
L'accès à la voie verte est un nouveau jeu de pistes. Il se situe au fond d'un terrain vague sans aucune signalétique, derrière la Médiathèque.
La voie verte est un vrai bonheur. On empruntera une succession de pistes sèches, gravillonnées, goudronnées, de petites routes, de sentiers... offrant des parfums de foin coupé, de fleurs de sureau et mille autres merveilles.
Bref arrêt à Pleurtuit pour les achats pique-nique. Un promoteur local ne manque pas d'assurance devant la tâche qu'il compte entreprendre...
La voie verte continue à travers la campagne, dans les bois, en plaine. Elle offre parfois des "oeuvres" intéressantes comme ce 'street art' peint sous un pont ou les créations d'un artiste local.
On longe la Rance pendant un bon bout de temps, plein sud vers Dinan. Puis ce sera la campagne et un parcours plus physique. Les premières indications de Saint Méen le Grand apparaissent enfin. On entrera en ville par la route du château d'eau "Louison Bobet".
Descente immédiate vers l'OT.... fermé...
Un brave monsieur, retraité de la ville, habitant un appartement au dessus de l'OT nous informe que la préposée était sûrement encore là malgré tout et nous ouvre la porte avec son passe.
Bien agacée d'avoir été dérangée, l'employée nous indique quand-même l'existence d' un hôtel en centre-ville. Nous la remercions chaleureusement, la priant d'excuser l'indélicatesse de son ex collègue. Tout rentre rapidement dans l'ordre...
Une demi-heure plus tard nous étions sous la douche à l'Hôtel des 3 Pilliers, les vélos débâtés et rangés dans le couloir du rez de chaussée.
Excellent accueil, très bon repas le soir. Rien que du bonheur... et 777 km au compteur depuis Rouen.
3 juin 2016. Saint Méen - Redon.
Mise en route dès l'ouverture pour le Musée Louison Bobet, situé dans le même bâtiment que l'OT.
Le musée est un petit bijou, retraçant la vie de ce 'Gentleman-Cycliste' avec sobriété et discrétion. Beaucoup d'objets sont exposés, un très beau film retrace sa carrière. Nombreuses photos.
On y passe 90 minutes, plongés dans une autre époque, découvrant mille facettes de ce champion hors normes.
Temps de repartir plein sud vers Mauron. On entre dans le Morbihan à St Léry, charmant petit village que j'avais déja traversé une première fois.
Session photos au bord d'un pré rempli d'ânes...
Un employé de la Poste de Mauron nous met sur la route de Paimpont où se tenait un festival de cirque. Pique-nique sur un banc dans le parc à côté de la maison de retraîte... On pense à la chance que l'on a...
Passage en ville. Beaucoup de bazar arthurien made in China... Le Graal est à la portée de tout le monde. Seul, le Poilu en bleu horizon sur le monument aux morts, ne semble y croire...
Après un passage dans la belle forêt de Brocéliande, agrémenté de quelques agréables descentes (et pénibles montées), on atteint Guer, puis dans la foulée La Gacillly, qui fête le Japon.
Dommage que la municipalité qui recevait des officiels japonais ce jour-là n'ait pas pu trouver une jeune femme asiatique pour chevaucher le bourricot !
L'Office du Tourisme nous assiste avec une réservation à Redon. Merci pour leur aide malgré l'affluence dûe à la fête !
Longue dernière étape jusqu'à l'hôtel 'Le France'. Les biefs du Canal de Nantes à Brest semblaient interminables. L'hôtel est bien situé en centre ville. Pas cher, propre et sympathique. Les vélos sont remisés à la cave.
Après un excellent diner en ville à la Brasserie des Halles, tenue par un patron truculent, c'est direction l'horizontale.
Les 95 kilomètres de la journée avaient été bien physiques et le lit bienvenu !
4 juin 2016. Redon - Saint-Nolff. Dernière étape du périple !
On quitte Redon de bonne heure, direction Vannes. Un bout de la D775 puis c'est direction Rieux et St Dolay. Routes sans problèmes mais assez passantes car les passages au dessus de la Vilaine se concentrent autour de la Roche-Bernard / Arzal, où nous avions choisi de passer.
Passage à Férel en direction du barrage d'Arzal où nous nous arrêtons pour pique-niquer sur l'aire de parking, face à l'aval. Le beau temps et la chaleur font une belle apparition, normal, on s'approchait de notre micro-climat du Golfe !
Passage du barrage et traversée d'Arzal village. On va trop au nord ce qui nous oblige à couper à travers la campagne pour rejoindre Muzillac où tout rentre dans l'ordre. Ce sera ensuite Ambon et Surzur avant d'atteindre Ste Armel.
Coup de chance ! C'est samedi et le Petit Passeur fonctionne. Cela nous évite un détour assez pénible par Theix et un tas de montées et de descentes en prime.
On passe Séné et Le Poulfanc et après un coup de fil pour prévenir de l'imminence de l'arrivée à St Nolff, on passe la ligne des vainqueurs ex-aequo, après environ 1 000 km parcourus à travers ces deux belles régions de France.