Irlande en Vélo - The Ring of Kerry avec ma fille. Port Magee-Waterville. Jour 5.
Publié le 19 Novembre 2013
Irlande en Vélo - The Ring of Kerry avec ma fille. Jour 5
Port Magee-Waterville via The Skellig Ring. 33 km
En regardant par la fenêtre en me levant, je ne voyais rien bouger, tout juste quelques ondulations d'herbes folles et un peu de brume sur les hauteurs. Ca, c'était le côté 'pile'....
Côté 'face', il en était tout autrement: un vent d'enfer soufflait sur le bras de mer devant l'hôtel et la brume s'était transformée en brouillard et en crachin épais et froid. La mer moutonnait et les bateaux dans le petit port dansaient allègrement sur l'eau.... Pas besoin d'être ingénieur météo pour se rendre à l'évidence que le tour de bateau tombait à l'eau ! En discutant avec des locaux, j'ai appris un peu plus tard que les bateaux n'avaient pu aller aux Iles Skellig que 14 fois l'an dernier.... Cela relativisait immédiatement notre déception.
Ces trois-là ne devaient pas regretter d'être au sec !
On avait prévu de quitter le Ring of Kerry à Port Magee et de rejoindre Waterville, notre prochaine étape, en passant par le Skellig Ring, un anneau longeant la côte plus au sud, interdit aux bus et aux autres gros véhicules. En fin de journée on se félicitait d'avoir commencé ce petit périple de bonne heure et non vers 15h30, au retour d'une visite des iles, comme cela avait été prévu à l'origine...
Petit déjeuner magnifique d'oeufs brouillés au saumon fumé (local et sauvage), soda bread délicieux, fruits, yaourts... toasts... tout ce qu'il fallait pour mettre les cyclistes de bonne humeur avant l'affrontement avec les éléments.
Cycliste heureuse avant la traversée du pont...
Etant privés de notre tour en mer, on se rabat sur le Skellig Experience Center, situé juste de l'autre côté du pont, sur Valentia.. Les vélos sont ressortis de la réserve et chargés et après quelques photos du port on y va..
A peine sur le tablier du pont, le vent infernal nous balade d'un côté à l'autre de la route. Difficile de se tenir droit sur l'âne de métal qui n'en menait pas large tant les rafales étaient puissantes. En contrebas, la mer se déchaîne. C'était même limite déraisonnable de chevaucher dans des conditions pareilles, surtout que la rembarde n'était pas bien haute. Aux trois quarts du pont, Jenny pose le pied à terre et finit la traversée en poussant sa monture, après qu'Eole, dans une forme 'olympique' eut cassé son mat à drapeaux en tube de carbone (quand même !...).
Cycliste après le pont...
La bataille contre Eole fut rude.. mât cassé, casque de travers, mais victorieuse...
Du coup, on se retrouvait ex-aequo, ayant chacun perdu 20cm de nos porte-étendards.
Le petit musée est surprenant. De l'extérieur on dirait un énorme bunker de la dernière guerre. Dans une travée, il aborde les iles Skellig et leur environnement au travers de reconstitutions: la 'conquête' de Skellig Michael (la grand ile) par les moines il y a quelques 14 siècles;
Présentation des Iles Skellig au musée
Moines débarquant..
leurs constructions de huttes en pierre; leur mode de vie; leur disparition... Ailleurs, il relate l'histoire plus récente, présentant une collection d'objets hétéroclites, mais tous étroitement liés à ce coin sauvage d'Irlande ....
Quelques oiseaux des iles...
Un très beau film projeté dans le petit cinéma du musée sera notre consolation de n'avoir pu embarquer ce matin. Les prises de vue sont époustouflantes...
Retour vers Port Magee pour attraper le Skellig Ring à la sortie du village.
Port Magee vu du musée... On ne savait pas encore...
Le vent nous attend dès les dernières maisons, un vent puissant, hurlant, de face (évidemment..).... il pleut, les nuages sont sur la route. Malgré tout, de temps à autres on a une vue sur ce qui nous attend: une ligne droite interminable qui monte, qui monte et qui disparaît dans les stratus...
...et ce n'était encore que le début de la côte..
Avec beaucoup de mal on arrive au chemin qui part à droite vers les falaises. Pas question d'être venus de si loin et de ne pas aller y jeter un coup d'oeil..
Les deux ânes se reposant pendant la visite au bord de la falaise..
Il faut passer par le petit salon de thé prendre un billet pour monter au bord de la falaise, à 300m de là. Compte tenu de la météo, c'est une bonne chose car si on ne revient pas relativement vite, on viendra à notre recherche, si on n'est pas envolés entre temps.
On a du mal à se tenir debout, on ne s'entend pas parler. Il est prudent de s'agripper à la barrière !
Le vent avait presque eu raison des attaches du casque..
La vue de la mer déchainée en contrebas est à couper le souffle tant c'est beau !
Deux cents mètres plus bas...
De grandes gerbes d'eau s'élèvent haut en l'air puis retombent dans un fracas assourdissant à chaque attaque de vagues contre les pierres noires des falaises...
Une pancarte indiquait un coin camping sur un petit coin gazonné à trois mètres du vide... Ca ne peut être qu'un gag Irlandais...
Un thé au retour et c'est reparti pour l'ascension de la côte dont le pourcentage de pente augmentait au fur et à mesure que l'on avançait. Les derniers 500m, à partir de la statue de la Sainte Vierge se feront à pied tant la route était pentue et le vent impossible à contrer.
"Je continue ou je fais demi-tour" ?
Heureusement que le sommet était caché par les nuages...
A un moment, j'ai du poser mon vélo contre le talus, m'assurant qu'il était bien calé, pour redescendre chercher celui de Jenny qui n'avait plus de bras...
Après plus d'une heure d'efforts on arrive en haut, au 'col'. Là, le vent devient indescriptible: de face, de dos, tourbillonnant, la totale ! On est obligés de se tenir aux poteaux de clôture pour ne pas tomber. La prise de photos est très compliquée... Mon mât plie à 60°, presqu'à l'horizontale... Un Américain nous photographie après nous avoir dit qu'il n'avait jamais vu de cyclistes affronter une épreuve pareille...
Les deux fous en haut de la côte..
Mais quelle vue !!
Soudain, au loin, "à une heure", Jenny aperçoit les silhouettes grises des Iles Skellig, émergeant peu à peu de la base de la brume... Vision fantastique ! Deux pyramides énormes aux pentes acérées comme une lame de scie passe-partout. Vision magnifique, qui à elle seule nous fait oublier la misère que l'on venait de vivre, récompense splendide de nos efforts. Un cadeau magique !
L'apparition..
La descente de l'autre côté du 'col', vers The Glen, est plus difficile encore tant la pente est raide. Freins bloquées, petite vitesse, moultes précautions.. S'agit pas d'aller se vautrer dans un des virages en épingle à cheveux... C'est tout de même un comble de devoir freiner dans la descente après les efforts de la montée... La route est bordée de haies denses de fuschias. C'est très beau !
Dans The Glen, on s'enfile dans un petit chemin qui mène à l'embarcadère, jetée massive et triste en béton...
Notre aire de pique-nique
Pas de bateaux à quai mais une exceptionnelle vue, au ras de l'eau, des Iles Skellig.
On s'installe dans le minuscule "parking", à l'abri d'un muret, pour pique-niquer de ce que l'on a pu trouver dans la "cuisine" (ma sacoche avant gauche...). Il est 15h !
Les deux iles...
Remise en route vers Ballinskelligs.
Extraordinaires vues de bord de mer et de champs entourés de murets en pierre
A peine passé la Chocolaterie, la côte recommence... Pas aussi diabolique, mais raide quand-même.
La der des der !
Ca monte un bon bout de temps puis c'est une glorieuse descente de 3 ou 4 km en roue libre... bien mérités ! On a tous les deux pas mal souffert, autant des bras que des jambes quand il a fallu pousser les ânes, mais tout se passe bien. Pas d'états d'âme, le moral est au beau fixe tant l'expérience est forte et belle !
Pas grand-chose à voir à Ballinskelligs à part les ruines d'une abbaye et du château McCarthy...
Jenny s'imprégnant des lieux...
Les ruines du Chateau McCarthy
Pas de baigneurs sur l'immense plage; quelques vacanciers s'y promènent, chaudement habillés.. Quelques demeures stériles plantées au bord de la route...
Propre et fonctionnel, mais un peu tristounet tout de même..
Beaucoup de maisons à vendre, même pas terminées. Le batiment principal d'un complexe hôtelier gît, abandonné à mi-construction, sur un bord de plage battu par les vents. La coquille en béton et les quarante et quelques hectares de la propriété sont à vendre... C'est un coin cafardeux de terres basses, de roseaux, de marécages, de petits saules : quelle tristesse !
Faut avoir quelque chose à expier pour avoir choisi de vivre là !
On rattrape enfin la N70 pour 5 km d'enfer jusqu'à Waterville. Le panneau de limitation de vitesse, à 100km/h, planté à 100m de l'entrée du bourg, donne une bonne idée de ce que l'on a subi sur ce tronçon de route...
Surprise : Waterville est jumelé avec Pont Scorff !
L'excellent B&B que Jenny a réservé est trouvé sans trop de mal. Les montures sont débâtées et rangées dans un petit cabanon construit pour la circonstance. DOUCHE !! ... Puis à 19h00, un petit whiskey pour célébrer une victoire sur nous-mêmes et sur les éléments déchainés de la journée.. Bonne introduction à l'excellent repas de Margaret Brown: moules marinières, morue fraîche poêlée avec un bel accompagnement de légumes et pour couronner le tout, un gateau grave mortel...
Journée difficile, mais quelle récompense d'avoir pu apercevoir les rochers. Malgré tout, la cerise sur le gâteau est de partager la détermination et le bonheur de ma fille qui affronte les tourmentes de la météo et du relief sans broncher, un sourire radieux illuminant son visage à chaque nouvelle victoire !