Publié le 7 Juillet 2022
3 juin 2022 ! Ça y est ! Enfin !
Cela faisait deux ans que l'on attendait de pouvoir faire ce voyage. On l'avait prévu après celui effectué dans les Iles d’Écosse, mais cette fois, en décalant le périple au printemps pour avoir une meilleure chance de beau temps. On a été gâtés !
Jenny venant de Paris et moi de Vannes, on se donne rendez-vous à Rennes où je rejoins son TGV à 12h25, direction Morlaix, après un coup de TER en "surcharge vélos" et 3 heures d'attente dans la salle des pas perdus. Comme d'hab, malgré des pancartes de grande taille, expliquant que l'espace vélos est réservé aux vélos, il a fallu déplacer d'énormes valises de passagers indélicats pour y accéder.
Voyage sans autres problèmes jusqu'à Morlaix où par chance on débarque quai N°1, donc sans avoir à affronter la passerelle. Le départ du ferry étant prévu à 22h et quelques, et la route de Roscoff nous étant bien connue, ce sera une longue et agréable balade via la route de la Corniche, Carentec, le Pont de la Corde et Saint Pol de Léon. Cette fois on prendra la piste cyclable car on avait amplement le temps d'en parcourir tous les détours. Arrêt "culte" au bout de la Corniche au Frout pour y ramasser des coquillages.
Vu l'heure tardive d'appareillage du 'Pont-Aven', on se décide pour une 'moule-frites' au restaurant 'Le Surcouf' à Roscoff. Il faisait beau alors ce sera même en terrasse !
Embarquement sans problèmes sur notre navire préféré après une très courte attente. En cabine 15 minutes après ! Cette fois une quinzaine de vélos sont attachés dans un recoin du pont N° 3. Cela change de nos voyages de septembre où nous étions bien souvent les seuls cyclistes.
Samedi 4 juin 2022. Cork (Ringaskiddy) - Dublin - Sligo.
Ciel plombé au réveil. Un peu de houle, même. Petit déjeuner roboratif au restaurant du bateau car ce repas devait 'tenir' jusqu'au milieu de l'après-midi. Un court passage sur le pont balayé par un vent puissant et froid.. Accostage au port de Ringaskiddy avec 15 minutes de retard sur l'horaire prévu. Compte tenu du schéma de débarquement (les voitures d'abord, les 2 roues ensuite), cela nous mettait déjà la pression pour arriver à la gare de Cork Kent à temps pour notre train.
J'explique la situation à un marin sympa du Pont-Aven, occupé à baisser la passerelle de débarquement. Les vélos étant parqués juste à côté de la sortie, il nous laisse débarquer les premiers ! Passage en douane et mise en route à vitesse 'grand V' via la Voie Verte qui longe la côte. La partie semblait gagnée.
Malheureusement, à mi chemin le VV était coupée pour travaux, sans aucune indication de déviation. Avec l'aide de passants on trouve enfin la route vers la gare où l'on arrive 10 minutes avant le départ de notre train pour Dublin. Passage rapide aux distributeurs pour récupérer nos billets prépayés et embarquement dans la foulée dans le TER local. Malgré la levée des mesures sanitaires, le service de restauration n'était pas encore assuré.. Heureusement que l'on avait garni 'la cantine' avant le départ..
A Dublin, changement de gare. Débarquement rapide des sacoches et des vélos, remontage et nouvelle course entre taxis et bus, sur une piste cyclable qui n'avait de protection que la couleur du goudron. Trois kilomètres deux cents à pédaler le long de la Liffey, entre des bus qui quittaient le trottoir et d'autres qui essayaient de s'en rapprocher.. à deviner, à chaque feu, où se situait la piste au delà du carrefour.. à ne pas louper la file menant de la berge à Amiens Street, là où se trouve Connolly railway station, la gare desservant le nord du pays. Sans casse, mais avec quelques frayeurs tout de même on arrive au pied de l'escalier menant aux quais. (Connolly n'est accessible que par escalier, escalator -en panne- ou ascenseur -trop petit pour les vélos-).
Je commence à débâter le vélo de Jenny quand un jeune, au prime abord pas très athlétique, nous propose de l'aide. Comment refuser ? Il empoigne le vélo sous le bras et en une dizaine d'enjambées le pose sur la dalle au niveau des trains ! A peine échauffé par ce premier exercice il redescend quatre à quatre et cette fois embarque mon vélo avec tout son chargement, une bonne quarantaine de kilos tout de même !! Toute peine méritant salaire, bien qu'il ne me demande rien, je lui assure quelques pintes de Guinness dans son pub préféré.
L'exercice ayant été rondement mené nous laisse le temps, enfin, d'acheter quelques sandwiches pour la route, car il nous restait encore 3h00 de trajet pour atteindre Sligo, aux portes du Donégal.
Au fur et à mesure de l'avancement vers le nord-ouest le ciel s'éclaircissait, laissant passer une belle lumière qui agissait comme un calmant après les pressions de la journée. A Sligo, grand beau. Derniers coups de pédale pour atteindre la chambre d'hôte que Jenny avait réservée.
Les évènements de la journée avaient largement consumé les quelques aliments pris depuis le matin. Mais à l'heure de notre arrivée tous les restos étaient déjà fermés... C'est le petit Spar de la station service, à 100m du B&B, qui nous permettra de partager une salade, des laitages et quelques fruits... en attendant le "Full Irish" du petit déjeuner !
Dimanche 5 juin 2022 - Balade autour de Sligo.
A cause du Festival "Rory Gallagher" à Ballyshannon, il n'était pas envisageable de mettre en route vers Bundoran avant lundi. En effet, les capacités d'hébergement étaient totalement saturées à des kilomètres à la ronde. Par miracle, notre logeuse pouvait, elle, nous accueillir samedi et dimanche soir. La journée du dimanche sera passée à visiter les environs de Sligo, en particulier le tumulus de la Reine Maeve, en haut de la montagne de Knocknarea et le cimetière mégalithique de Carrowmore.
Après un magnifique petit déjeuner on met en route vers Strandhill, à l'ouest de Sligo. Un marché artisanal était installé dans un hangar de l’aéroport. Vanessa, notre logeuse nous avait suggéré d'y jeter un coup d’œil. Passant devant la gare on en profite pour retirer les billets de retour. Toute action préventive permettant de réduire le stress causé par les transports est salutaire !
Le marché au terrain d'aviation ne présentait aucun intérêt. Par contre, le Cessna 172 de l'aéroclub, garé tout près de la clôture, ravivait plein de super souvenirs des nombreuses heures passées à piloter cette bête de somme de l'aviation de loisirs.
Il est possible d'emprunter deux chemins pour gravir la montagne de la Reine Maeve. Par souci de temps disponible, on choisira le plus court des deux qui part d'un petit parking auquel on accède après une bonne montée sur une petite route très étroite. Une roulotte à thé et à crêpes permet de prendre des forces pour gravir le dénivelé de 327 m.
De là-haut la vue panoramique est magnifique. Le terrain d'aviation que l'on venait de quitter paraissait minuscule et les quelques avions en tour de piste, des modèles réduits.
La montagne, plate au sommet, recouverte de bruyère et de fleurs, et parsemée de moutons, est coiffée d'un énorme tumulus d'origine mégalithique, et qui, selon la légende, renfermerait le tombeau de la Reine Maeve, figure mythique d'une des nombreuses légendes qui ont cours dans cette partie du monde.
A 15h30 on est de retour au parking pour récupérer les vélos, direction le cimetière mégalithique de Carrowmore, site magnifiquement entretenu, de cercles de pierres et de dolmens.
Le vent et le soleil de cette première journée de visite auront le dernier mot et c'est sans regret que l'on retournera à Sligo par un dédale de petites voies.
Après avoir déposé les vélos et s'être déguisés en visiteurs lambda, on descend en ville pour un excellent curry dans l'un des deux "Award Winning" restos indiens.
Belle journée de visites et de pédalage. Demain c'est la vraie mise en route !
Lundi 6 juin 2022. Sligo - Bundoran. Le vrai début du périple "Donegal 2022".
La carte ci-dessous donne une idée générale du périple qui s'est effectué sur toutes sortes de voies et de chemins, allant de la bande d'arrêt d'urgence des "nationales" (autorisées aux vélos), à des chemins forestiers répertoriés comme routes. Parfois le revêtement était si mauvais qu'il a fallu pousser le vélo, parfois c'était du billard.
A la fin de cet article, basé sur notre expérience, nous avons listé quelques remarques et conseils dans le but de faciliter le voyage à ceux qui voudraient, à leur tour, découvrir cette magnifique province de la République d'Irlande.
Le soleil nous accompagne encore !
Démarrage après un nouveau petit déjeuner consistant, direction plein nord vers Bundoran, petite ville de bord de mer, qui pour nous, sera la première étape à l'intérieur du Donegal.
Ne pouvant me procurer les cartes 'Ordnance Survey' au 1:50 000, et voulant éviter autant que possible les voies principales, j'avais confectionné un 'Road book' détaillé avec moulte annotations car, si les petites routes sont plus sympa, elles manquent souvent de panneaux de direction, ce qui oblige à utiliser d'autres repères, le plus souvent extraits de Google Street View.
Malgré toutes ces précisions, et à cause d'une photo prise en hiver, nous étions à peine sortis de Sligo via une courte section de la N 15, qu'on loupe un chemin, ajoutant ainsi 5km au trajet du jour... Peu à peu, on retrouve le tracé d'origine qui nous gratifie de très belles côtes, mettant poumons et mollets à rude épreuve. Une belle route nous promène le long du Glencar Lough.
Premier arrêt à la cascade de Glencar, pas très haute mais entourée de bois qui la rendaient mystérieuse, d'autant plus que le débit subissait de petites variations, changeant continuellement la musique de la chute d'eau.
Après un thé bien mérité, remise en route pour contourner le massif et redescendre sur le Glenade Lough. Une série de montées interminables sur des routes très étroites et très raides nous amènent sur une hauteur offrant une vue extraordinaire sur le Lough en contrebas et sur les collines escarpées qui l'entourent. Arrêt pique-nique au vent, au soleil et sous le regard des moutons.
L'intérêt de pique-niquer sur une hauteur est que la remise en route s'en trouve grandement facilitée.. et pour nous ce seront plusieurs kilomètres de roue libre, le nez au vent.
Notre route surplombe le Lough, le longeant en sous-bois de sorbiers, en prairies parsemées de rhododendrons sauvages. C'est très beau. Après une nouvelle très longue descente (et une courte remontée), on rejoint la R280, taille "départementale", qui nous mènera jusqu'à Bundoran, atteint peu de kilomètres après avoir passé le panneau "Welcome to Donegal".
Ce soir nous sommes à l'hôtel, les B&B étant tous occupés. Les vélos dormiront dans la réserve à bière et les cyclistes, sur conseils de nos hôtes, iront dîner d'un excellent 'Fish and Chips' au meilleur restaurant de la ville...
Une balade sur la plage de sable et de gros rochers noirs, telles des rangées successives d'ardoises inclinées, conclura cette belle journée.
A 20h30, la fête foraine sur le remblai éteint la musique et ferme ses portes, faute de clients, les derniers vacanciers étant rentrés chez eux. La rue principale est vide.
Mardi 7 juin 2022. Bundoran _ Killybegs. Grand soleil.
Après le plus mauvais café jamais bu, heureusement compensé par un bon et copieux petit déjeuner, on se met en route vers le nord selon les directions du 'road book'. Il fait déjà chaud. Jusqu'à Ballyshannon pas de problèmes particuliers, mais dès la traversée du pont enjambant le 'fleuve' Erne la route devient soudain très pentue pendant toute la traversée du bourg.
Notre trajet, évitant les routes principales, et figurant dans les différents circuits cyclistes (dont l'Eurovélo 1), monte et descend sur des kilomètres via une succession de petites routes de campagne offrant des points de vue à couper le souffle. On passe par Ballintra faire les courses de midi, et, avisant plusieurs tables de pique-nique, on s'arrête quelques kilomètres plus loin, à la station service de Leghy pour le déjeuner. (...en tirant même une des tables à l'ombre tant le soleil tapait !).
Pour atteindre la départementale menant à Donegal Town, nous avons dû emprunter momentanément un bout de la N15, roulant prudemment dans la BAU.
Court arrêt au 'Diamond', place triangulaire très animée au centre de la ville. Coup de tampon dans nos carnets à la Poste, l'Office du Tourisme ne disposant que des tampons du "Wild Atlantic Way". On rencontre un Français de Roscoff, très sympa, établi à Donegal depuis plusieurs années et travaillant dans une boulangerie locale en attente de démarrer sa propre affaire.
Décision est prise de quitter le trajet vélo pré-établi et de faire une "directe" sur Killybegs, via la N56, plus rapide et surtout moins compliquée que la succession de petites routes et chemins prévus à l'origine. 25 km de chaleur dans la BAU mais sans subir trop de circulation. Les gourdes y passent. A Straleeney on quitte la nationale pour descendre vers Killybegs sur la R263.
On est accueillis à destination par une odeur pestilentielle de poisson et d'égouts, fort heureusement localisée suffisamment loin de notre B&B. Killybegs est le plus grand port de pêche d'Irlande et comprend de nombreuses usines de transformation du poisson. Ceci expliquerait cela..
A 18h00 les vélos sont garés sous l'escalier dans la cour de la chambre d'hôtes.
Dîner au pub (The Fleet Inn) entourés de téléviseurs retransmettant le Grand Prix de Monaco couru la semaine précédente, heureusement sans le son.
Retour au B&B sous une pluie fine qui n'était que l'annonciatrice de nombreux autres crachins, averses, draches, rincées, saucées etc... tous assaisonnés du vent, (direction et force), qui leur convenait le mieux, et dont nous allions profiter sans modération durant le périple.
Mercredi 8 juin 2022. Killybegs - Carrick - Malainn Mhoir (Malin More).
Pluie torrentielle et vent -de face- à décorner les bœufs. Deux très belles rencontres.
Petit déjeuner sérieux chez Patricia avec une belle musique de Eunan McIntyre, auteur- compositeur-interprète de superbes ballades irlandaises qui se mariaient parfaitement avec la météo du jour...
Crachin fin, vent d'ouest. Plus on avançait, plus la météo se dégradait. Rafales de vent, le crachin du départ devenant pluie froide et drue et pénétrante. On suit la R263 le long de la côte. Dommage que les éléments aient décidé de nous gâcher ce qui aurait pu être une très belle balade en surplomb.
On arrive tant bien que mal à Carrick où l'on s'arrête pour prendre un thé dans l'épicerie du village. En quelques secondes le coin de la machine à café/thé est transformé en mare tant nos habits étaient trempés. Heureusement, le personnel du magasin semblait avoir l'habitude de ce genre de situation, assez fréquente semble-t-il.
J'avais prévu de rendre visite à "Ireland by Bike", que je connaissais depuis quelques années via Internet.
Seamus et Nora dirigent une petite entreprise de vacances à vélo, proposant des circuits 'clés en mains' dans leur région. Vélos électriques, réservation des B&B aux étapes, transport des bagages d'un B&B au suivant... Je les recommande très chaleureusement, à ceux qui aimeraient tenter l'expérience de quelques jours à vélo en Irlande sans avoir le souci d'emporter leurs montures personnelles. Possibilité également de réserver des circuits de randonnées pédestres.
Leur site internet : www.irelandbybike.com
Ils nous reçoivent tout dégoulinants dans leur atelier. Le lien s'établit rapidement. On discute de notre périple, on parle matériel. Ils nous expliquent leur approche. Heureusement, grâce à des aides du gouvernement, ils ont pu survivre durant la pandémie et espèrent un redressement de leur activité en 2022.
Alors que l'on s'apprêtait à partir, sous une pluie qui redoublait, Seamus nous propose de nous emmener à Malin More avec son fourgon. Comment refuser ?
En quelques minutes les vélos sont chargés, et les dix kilomètres jusqu'au B&B avalés, sans le moindre coup de pédale. C'est vrai que l'on aurait aimé découvrir la route en vélo, les sites mégalithiques, mais la météo était trop épouvantable.
Arrivés chez Leon et Gillian, nos logeurs de Malin More, les vélos sont promptement déchargés, et après un refus catégorique d'être payé pour la course, Seamus s'en retourne à Carrick, cette fois pour récupérer une cycliste bloquée à son B&B suite au mauvais temps..
Leon et Gillian, un très sympathique couple de Sud-africains vivant en Irlande depuis de nombreuses années, nous accueillent avec sourire et générosité. Les vélos sont rangés dans l'entrée et dans le bureau de Leon, qui offre de nous transporter, à notre convenance, vers l'un des deux restaurants de Gleann Cholm Cille, distants de 5km de son Gite.
Tout est trempé, pourri de pluie, dégoulinant. Mes super baskets de randonnée "Waterproof" de chez Décathlon sont de véritables baignoires. Ils avaient simplement omis de préciser que c'étaient les semelles qui étaient "Waterproof", pas la partie supérieure... pourtant testée sous la pluie qu'ils annonçaient. Une belle tromperie sur la marchandise !
Les chambres ressemblent vite à des blanchisseries napolitaines. On accroche les habits partout où c'est faisable. Je vide l'eau de mes baskets à plusieurs reprises..
Une douche super chaude nous remet sur pieds. Un snack dans la salle à manger commune nous requinque. Une arrivée de 7 autres cyclistes arborant des maillots "2022 Wet and Windy Tour" nous fait passer quelques moments de franche rigolade. Eux se faisaient transporter les valises par le 8ème, en charge du support technique. Chaque jour, changement de chauffeur. Gillian, l'épouse de Leon, (70 ans) est un phénomène assurant un spectacle digne des meilleurs comiques.. et son accent sud-af était un régal supplémentaire.
A 18h30 (car on ferme de bonne heure dans ce coin du monde), Leon nous emmène au resto où on nous annonce qu'il n'y avait plus de gaz et que par conséquent certains plats seraient indisponibles. Après une journée pareille, pas question d'être difficile. Une pizza fera l'affaire.
Très éprouvante journée, mais quelles belles rencontres ! Et comment ne pas être très fier de ma fille, qui pédale contre vents et pluies sans jamais broncher ? On en viendrait à croire qu'elle préfère même cette météo à un ciel azur !
Jeudi 9 juin 2022. Malainn Mhoir - An Fhearthainn (Port Noo).
Pluie et vent le matin, soleil l'après-midi.
Départ de chez Leon et Gillian sous un ciel menaçant, mouillé et venteux. Ce sera une grosse bagarre contre les éléments et les côtes jusqu'en début d'après-midi.
Le début de la route sur la R263 est très sauvage. Côté mer, les falaises et éperons rocheux très sombres battus par les vagues, de l'autre côté de la baie, entre Lugnadruhan et Gleann Cholm Cille, donnent une impression de fin du monde.
Après le 'Folk Village' ce sera une montée lente et progressive sur la R230 jusqu'au col surplombant le Malaidh Ghleann Gheis, une vallée encaissée entre deux hautes montagnes herbeuses offrant un point de vue extraordinaire sur des kilomètres.
Des tables de pique-nique sont à la disposition des touristes. De la nôtre on se régale déjà de la descente qui nous attend, pratiquement jusqu'à Ardara, après l'effort interminable que l'on venait de faire pour atteindre le sommet. Et en prime, le ciel commençait à s'éclaircir !
A noter que vouloir aborder le point de vue en venant d'Ardara aurait été pratiquement impossible avec nos vélos chargés, tant la pente était raide.
Après avoir fait le plein de calories et de la vue offerte de notre nid d'aigle, on se remet en route, serrant bien fort les freins et ne les relâchant qu'une fois la pente redevenue "normale".
A Ardara, le soleil a repris pleine possession du ciel. Quelques courses et un thé chez "Charlie's West End Café", et remise en route sur la R261 vers An Fhearthainn/Port Noo que l'on atteindra vers 17h00.
Nos logeurs d'Edenvale B&B sont absents. Dans l'attente de leur retour je pars dans le village investiguer les possibilités de dîner car le bourg, qui se réduisait à quelques maisons, un club de golf, un pub et un très grand camping de mobile-homes, me paraissait particulièrement déserté.
Le pub, ouvert à 17h00, ne servait pas de repas du soir en semaine. Ils me conseillent d'aller voir au club de golf où, me disent-ils, le restaurant est accessible aux non-membres. Effectivement, il est possible d'y dîner mais dernières commandes à 19h30.. Je réserve une table et retourne au B&B où Jenny attendait toujours le retour des propriétaires.
La confirmation qu'elle avait reçue nous octroyait le petit bungalow derrière la maison principale. Les clés étant sur la porte décision est prise de décharger nos affaires et de partir dîner. En partant, on ferme la porte à clé en emmenant celle-ci avec nous.
Excellent repas avec vue sur le cours de golf d'un vert qui n'existe qu'en Irlande.
Au retour, un homme sort de sa camionnette garée devant le bungalow. Lui aussi avait une réservation au même endroit et attendait le retour des propriétaires pour lui ouvrir la porte.
On se rend rapidement compte qu'il y avait eu une double réservation.
Étant habitué des lieux, David (un installateur de cuisines) se propose, (après avoir mangé le repas que la propriétaire lui avait préparé et que nous avions mis au frigo ne sachant pas pourquoi il se trouvait sur la table), d'aller à côté chez une autre logeuse qu'il connaissait aussi, pour voir si elle pouvait l'héberger pour la nuit.
Par chance elle avait une chambre libre. Tout le monde étant 'logé' et Jenny dormant déjà à poings fermés dans une des deux chambres du bungalow, je remercie notre 'co-locataire-' d'avoir débrouillé le problème en lui offrant deux petites Tours Eiffel pour ses enfants, et vais me coucher à mon tour. La journée avait été longue.
Vendredi 10 juin 2022. An Fhearthainn - Arainn Mhor (Arranmore)
Beau temps mais beaucoup de vent, heureusement du sud sur 20 km...mais pour finir, du nord-ouest !
A 8h00 une personne contrite frappe à notre porte... La pauvre femme avait confondu les dates d'arrivée, ce qui a entrainé la double résa. De plus elle avait dû se rendre d'urgence dans un hôpital voisin assister un membre de sa famille qui venait d'y être admis. Elle était totalement déconfite et redoublait d'excuses..
De plus, à son retour en pleine nuit, voyant nos vélos et le fourgon, elle se demandait comment on avait réglé le problème entre nous. La dose émotionnelle de la journée, à laquelle s'ajoutait la réalisation qu'elle s'était trompée, lui avaient fait passer une nuit blanche.
Au petit déjeuner, après une bonne nuit de sommeil, tout se règle dans la bonne humeur, même si Mary n'est certainement pas prête d'oublier son erreur. La solution trouvée entre nous, en bon entendement, lui a malgré tout enlevé une sérieuse épine du pied..
Le petit déjeuner s'éternise. Longue et agréable discussion avec un couple d'Américains de Cape Cod. Un ami de Michael, le mari de Mary, prenait le thé dans la cuisine. Michael nous le présente comme étant "d'occupied Ireland".. C'était à peine une blague. Les braises ne sont pas éteintes...
On aurait aimé parler plus mais le temps tournait et on avait un ferry à prendre pour nous rendre à Arranmore. Le dernier était à 18h00, nous laissant malgré tout une marge suffisante pour faire le trajet jusqu'à Burtonport. Seule inconnue, le vent !
Après un rapide passage au parking de l'église pour admirer le panorama de bord de mer et "The Atlantic Swell", (une déferlante de grosses vagues au large), on se met en route pour rattraper la N56 que l'on devait suivre jusqu'à An Clochan Liath (Dunglow).
La bonne surprise fut de découvrir qu'une piste cyclable, à peine terminée, borde la nationale en site propre sur toute la longueur entre Maas et Dunglow, soit 20km... et que le vent était maintenant du sud.
On couvre la distance en un peu plus d'une heure ! Achats repas du soir au Lidl local et remise en route par la R259 vers Burtonport, d'où partent les ferries pour Arranmore.
Le vent, ayant fait sa BA le matin, avait une fois encore changé de direction, cette fois du nord-ouest, soit de face. On le subira sur 7km le long de la côte.
Achats billets de ferry et embarquement sur celui de 15h00. Trois voitures, deux vélos, quelques passagers à pied.. Après 20 minutes de zigzags entre les petites îles au large de Burtonport on débarque à Arranmore pour le dernier coup de vélo vers "Arranmore Glamping", un B&B atypique qui, outre une grande maison avec chambres d'hôtes, offrait une expérience en 'pods', petits 'igloos' en bois, de formes allongées, arrondies sur le dessus, totalement équipées pour un séjour en autonomie. (coin repas, cuisine, chambres, salon, sanitaires, douche... et terrasse avec table et chaises !). Une super idée de Jenny, qui m'avoua n'avoir pas eu beaucoup d'autres choix vu l'offre très modeste d'hébergements sur l'île.
Seul inconvénient, compensé malgré tout par la vue extraordinaire sur la baie et les terres au loin : il fallait monter une côte interminable, vent de face, pour y accéder.
Il faisait encore beau mais la prévision pour le lendemain n'était pas réjouissante. Pluie, vent fort, ciel bas et même orage durant la nuit. On acceptera ce qui nous sera offert. "A chaque jour suffit sa peine".
Demain, visite de l'île... à pied.
Samedi 11 juin 2022. Arran More all day, à pied. 11km tout de même !
Lever tardif et petit déjeuner à 10h00, car notre logeuse devait faire déjeuner les plongeurs avant nous. (Le B&B est aussi une 'école' de plongée. Il semblerait que l'eau soit très claire autour d'Arran More et que les fonds soient riches en faune et flore...).
Harnachement pour mise en route sous un ciel très menaçant et un très fort vent. L'idée est d'aller vers le phare au nord de l'île. Sans signalisation aucune sur les chemins, on loupe le carrefour après la montée vers le 2ème plus haut sommet de l'île, le Cluidaniller -226m-. (Le premier faisant 227m...). Le vent au sommet est infernal.
A la descente, au carrefour, on part a gauche, plutôt qu'à droite et après une bonne marche, pris de doutes devant Illanaran, un massif rocheux couvert d'herbe verte, planté en mer, à quelques centaines de mètres de la falaise, et qui indiquait que l'on s'était fourvoyés, on fait demi tour. Des automobilistes et des cyclomotoristes un peu déjantés, effectuant un 'raid' en Honda 50, nous remettent sur la bonne voie.
On passe le Beaver Island Monument, rappelant l'exode d'habitants de l'île vers la région des Grands Lacs aux États Unis, durant la grande famine du 19ème siècle. Après une nouvelle bagarre contre les éléments, essentiellement le vent, on atteint le phare. En route, un automobiliste, sorte de GO de voyages organisés, s'arrête à notre hauteur et propose de nous ramener "en ville", une fois notre visite des abords du phare terminée. Comment refuser ?
L'intérêt de la balade vers le phare n'était pas de voir le phare lui-même mais l'incroyable escalier taillé dans la falaise et cimenté par la suite, permettant, à une époque, l'accès aux bateaux de secours et l'approvisionnement du gardien.
Panorama époustouflant sous un ciel de plomb; vagues énormes s'écrasant sur des rochers noirs escarpés, s'enfilant dans des couloirs de la falaise, dégageant des pitons acérés lors du retrait; bouillonnements d'écume; bruit assourdissant se mêlant à celui du vent. Une scène de fin du monde.
Et au milieu de cette furie d'éléments, un escalier descendant à pic vers les flots. Initialement taillées dans le roc, les 151 courtes marches sont maintenant cimentées. Une vieille corde en nylon fixée de place en place sur des piquets métalliques bien rouillés est le seul garde-fou offert aux téméraires désireux de voir le mouvement des vagues de plus près.
On se risque sur le premier tiers, jusqu'à une petite plateforme. On serait bien descendus jusqu'en bas, mais ne voulant pas prendre de risques inutiles et surtout ne pas compromettre l'offre qui nous avait été faite, nous remontons vers le phare où le conducteur et ses deux passagers nous attendaient pour le retour.
Ils nous laissent à une intersection nous permettant de retourner vers nos 'appartements', via le petit chemin pris à l'aller. Nouvelle dose de vent et de pluie !
Rentrés au 'pod' vers 16h30, Jenny dort profondément dix minutes plus tard !
Ce soir là le patron nous véhicule vers le pub du port pour un repas bien mérité. Cette fois nous avons droit à plusieurs matches de foot, heureusement sans le son, les clients du bar assurant les commentaires que la Guinness rendait de plus en plus passionnés.
Dimanche 12 juin 2022. Arran More - Kilmacrenan/Cottain
Soleil, vent, pluie et une attaque de midges.
Aujourd'hui, longue étape. Pas possible de partir aussi tôt que l'on aurait voulu car le premier ferry du dimanche est à 11h30. Après la courte traversée on arrive à Burtonport à 12h00.
Mise en route immédiate sur la L5943 à travers une campagne fort vallonnée de gros blocs de granit, de buissons de rhododendrons, de bruyères et de petits sorbiers, sur une route de moins de deux mètres de large, avec bande herbeuse au centre.
Une première averse nous oblige à nous mettre à l'abri, fort heureusement sur une section boisée. Le vent, bien que moins fort qu'hier, est toujours de la partie. Essentiellement d'ouest, donc à notre (léger) avantage.
Le trajet nous oblige à emprunter un bout de N56, pas très passante ce dimanche matin. Courses pique-nique midi et pour dîner ce soir dans un Spar accolé à une station service à Croithli. Continuation en direction de Gweedore.
Une deuxième drache nous oblige à nous réfugier à l'abri d'un bosquet. Le vent s'étant calmé on est immédiatement assaillis par une nuée de midges, ces minuscules insectes volants qui se fourrent partout, qui piquent et mordent, pourrissant la vie des humains dès que ces derniers se déplacent moins vite qu'eux.
Pluie ou midges, le choix est vite fait et l'on se remet en route. A l'extrémité ouest du Lough na Cuinge on bifurque sur la R251 en direction de Dun Luiche et du mont Errigal, point culminant (749m) de la région nord-ouest de l'Irlande, un mont de forme conique dont la majorité des flancs semblent recouverts d'éboulis.
Arrêt à l'église de Dun Luiche pour pique-niquer, cette fois sans être importunés par les "moustiques des Highlands". L'après-midi débutera par une interminable montée vers d'immenses zones herbeuses et de tourbières où aucun arbre ne pousse, encadrées par des reliefs escarpés, d'où dévalent des torrents d'eau brune. Les vues en contrebas sont magnifiques et le vent 3/4 arrière est un bon allié.
Arrivés enfin au 'col' on profitera de kilomètres de descente qui nous mèneront pratiquement jusqu'à l'entrée du Glenveagh National Park.
Quelques coups de pédale et deux ou trois montées plus loin on sera de nouveau sur la N56 jusqu'à Kilmacrenan. Notre B&B se situait à la sortie de la ville, au bout d'une petite route se terminant en cul de sac.
Grande entrée avec grille en barreaux de fer, une longue allée asphaltée, bordée de deux pelouses où des tondeuses automatiques cisaillaient les brins d'herbe à longueur de journée. Au fond, bâtisse énorme style "maison témoin" où rien ne dépassait. Tout était nickel au point d'en être stérile.
Mary nous reçoit et nous offre le thé. Puis elle nous mène à nos chambres, d'une propreté de maniaque. Idem la salle d'eau que nous partageons tous les deux.
On dînera dans sa grande cuisine, où seuls quelques cadres de photos de famille donnaient un semblant de vie à la maison.
Pas de balade digestive ce soir. Un peu de lecture et je retrouve Morphée. La journée avait été bien remplie, une fois encore bien physique. La dose d'efforts à fournir, souvent harnachés comme des scaphandriers pour des distances relativement courtes, semblait augmenter de jour en jour. A vérifier demain.
Lundi 13 juin 2022. Cottain - Glenties
Étape résumée en deux mots : L'Enfer !
Nuit de plomb. Le petit déjeuner, "full Irish" pris, on bâte les ânes et on met en route selon les directions du road book. Premier village : Church Hill. On se doutait que ce bourg ne serait pas caché au fond d'une vallée, mais on n'aurait jamais imaginé la pente qui nous attendait et qui nous a obligés à pousser les vélos dans la côte.
Après avoir traversé le village sur la R251 on bifurque vers le Colmcille Heritage Center que Jenny voulait visiter. Pas de chance, il était fermé (et l'est encore au moment où j'écris ces lignes). Une grosse pluie arrivant de l'ouest nous oblige à trouver refuge dans la petite église de Saint Colmcille.
Continuant tout droit, on rejoint la R254, direction sud-ouest, et à Glendowan, juste avant l'école, on bifurque sur la L6342, une petite route en montée, qui devait nous éviter des "R", plus passantes... Ce sera le vrai début du calvaire de la journée.
Pour commencer, cette petite route monte à travers des prairies, qui se transforment progressivement en bois de sapins, pour terminer au sommet, sortis du bois, en "mont chauve" balayé par un vent glacial.. Le revêtement du début, tout à fait correct malgré l'étroitesse de la route, devient subitement, et sur plus de la moitié de la distance à parcourir, un chemin pierreux, raviné par la pluie, difficilement négociable avec nos vélos.
De nombreuses fois on devra descendre et pousser car l'état du chemin (une route "L" tout de même !) était devenu trop dangereux.
La R250, que l'on devait retrouver et suivre jusqu'à Glenties, n'était qu'à quelques centaines de mètres en contrebas du sommet. Mais impossible de profiter de la descente tant le chemin était mauvais.. C'était la première fois que l'on descendait une côte à pied !
Revenus sur l’asphalte, le vent de face a pris le relais du mauvais chemin et ne nous a pas lâchés jusqu'à destination.
A 15h00 on s'arrête, abrutis par le bruit du vent dans les lanières du casque et par la force qu'il nous opposait à chaque tour de pédale. Pique-nique sur le muret d'une maison abandonnée et remise en route pour notre destination, via Fintown, village doté d'un 'Musée' proposant des allers-retours le long du Lough, dans le seul train encore en service au Donegal.
A 17h15 on arrive enfin à l'hôtel que Jenny avait réservé, complètement 'rincés' au propre et au figuré.
Une bonne douche remet le cycliste sur pieds. Dommage que le roast beef, recommandé comme tendre et goûteux, avait plutôt la consistance de "semelle-de-baskets-de-randonnée-waterproof-de-chez-Décathlon"...et probablement le même goût. Archi-cuit, saigné à blanc, demandant une mâchoire de Néandertal, il avait plutôt le 'look' d'une côte de porc industrielle séchée au soleil. J'aurais dû m'en douter. On apprend tous les jours ! On a passé un bon moment quand même !
L'étape d'aujourd'hui restera dans les annales des "Voyages avec ma Fille" comme une des plus difficiles que nous ayons vécues. Elle déclenchera la liste de recommandations "Donegal à Vélo" incluses à la fin de cet article.
Mardi 14 juin 2022. Glenties - Donegal Town -Ballyshannon
Au petit matin, Jenny me confie qu'elle ne se sent pas d'attaque pour une nouvelle étape comme celle d'hier. Elle ne veut pas que le périple tant attendu se transforme en quelque chose de négatif. Le voyage doit rester un plaisir. Les efforts d'hier ont laissé des traces.
Décision est prise de louer un van pour aller jusqu'à Donegal Town et de faire les 20 à 30 derniers kilomètres à vélo.
A 10h30, "The Pope", taxi local embarque les vélos, les sacoches, et les cyclistes. Le choix s'avère excellent car la R262 se révèle bien compliquée au niveau relief et le vent n'avait pas disparu, étant maintenant du sud-ouest.
A Donegal Town, quelques achats et le crachin démarre. Il nous brumisera tout le long de la route.
Après un snack rapide à mi-chemin on décide de faire les kilomètres restants sur la N15 car il n'y avait aucun intérêt de rallonger la douche froide en passant par 'la campagne'.
On arrive à Ballyshannon à 14h30. Le "Dorian's Imperial Hotel" est situé en centre ville, en face de la statue érigée en mémoire de Rory Gallagher, objet du festival de la semaine précédente.
L'hôtel est un magnifique exemple de l'hôtellerie anglo-saxonne des années 50-60, énorme réception moquettée d'un tapis à grands motifs, fauteuils club en cuir, canapés, tables basses, cheminée etc... Les chambres sont immenses. Les vélos sont remisés dans la salle de réunion.
Hormis quelques "take-away", tous les restaurants ont fermé. On dîne donc sur place.
Pour Jenny ce sera un dos de cabillaud qui aurait nourri une famille de 4, accompagné de purée de pommes de terre, de croquettes de pomme de terre et de légumes verts incluant des pommes vapeur. La totale.
Mon curry de poulet sera servi avec riz et frites... Il ne manquait plus que les carottes.
On avait faim, c'était bon, mais question 'accord' il y avait encore "room for improvement".
Il ne pleuvait plus. Un peu de marche pour faire passer les diverses présentations de pommes de terre ne pouvait pas faire de mal. A 20h30 la ville dort. A 21h00 on est de retour au "Dorrian's".
Mercredi 15 juin 2022. Ballyshannon - Grange, via Mullaghmore Head.
Temps clair, ensoleillé le matin, gâché une fois de plus en début d'après-midi, par une pluie qui ne nous a pas quittés jusqu'au B&B à Grange.
Quelques courses en ville puis mise en route par le même chemin qu'à l'aller, jusqu'à Bundoran.
Traversée de Bundoran pour rejoindre la route de la corniche afin de nous rendre à Mullaghmore. Beaux passages sur petites routes étroites bordées d'étangs envahis de roseaux, paradis de nombreux cygnes. Les iris jaunes sauvages fleurissent le bord de la route. On rejoint la R279 direction plein nord qui nous mène à la pointe.
Des rangées de pins en écrans rectilignes, poussent dans une prairie à gauche de la route. Un château, ressemblant de loin à celui de Louis II de Bavière, s'élève sur le point culminant de la péninsule herbeuse, tel un piton rocheux surgi au milieu de nulle part.
Immenses plages de sable à l'est, incroyables côtes rocheuses au nord et à l'ouest. On se serait cru par endroits à Inishmore au Connemara, mais à plus petite échelle. D'énormes vagues déferlaient sur la première ligne de rochers, se brisant en jets d'écume. Le ciel en face, du côté de Killybegs était noir, bas et menaçant.
Des tables de pique-nique très bien situées permettaient aux touristes et aux goélands de partager leur déjeuner. Une d'entre-elles avait déjà attaqué notre sac pendant que je prenais ma gourde sur le vélo...
Les flaques d'eau restées dans les rochers sont toujours des endroits magiques, renfermant tout un monde de petits crustacés, de plantes, de cailloux multicolores qui se ternissent dès qu'on les sort de l'eau. Comme d'autres visiteurs de ce lieu hors du commun, on ne résiste pas d'aller y regarder nous aussi.
Avant d'avoir pu faire le tour complet de la presqu'île, la pluie est arrivée, drue et froide, gâchant la fête.
On passe malgré tout (trop) rapidement au site de la tombe mégalithique de Creevykeel, située en bordure de N15. Malheureusement on ne pourra y rester bien longtemps, chassés par la pluie qui, entre autres, remplissait une fois encore mes baskets 'waterproof'.
On avale les cinq derniers kilomètres vers le B&B à la vitesse "grand V". Christina, notre hôtesse, nous fournit une quantité de cintres pour faire sécher tout ce que l'on avait sur le dos et qui sera pendu aux radiateurs, rails de douche, dossiers de chaise et fil à linge dans le garage...
Elle propose de nous amener en voiture au village voisin pour y dîner. Comment refuser une telle offre !
A 20h15 le repas est terminé et à peine sortis sur le parking pour attendre Christina, le restaurant affiche "Closed" sur la porte...
Encore une journée pleine de belles surprises, de paysages à couper le souffle, de rencontres très sympa et de mises à l'épreuve du mental des cyclo-touristes !
16 juin 2022. Grange - Sligo
Très sympathique petit déjeuner chez Christina qui a eu une gentille attention pour nous. Un petit drapeau français était posé sur la table.
On quitte au sec, mais harnachés tout de même car le ciel des environs du Cirque de Gleniff, première destination du jour, semblait déjà bien menaçant. La journée se passera en habillages-déshabillages rituels, tantôt mouillés, tantôt secs.. la seule constante étant le vent.
Jenny aperçoit une Poclain 60 dans un champ. Elle était en triste état mais fonctionnait encore vu les traces de chenilles laissées au sol.
On aborde la petite route longeant, côté nord, la base de la crête du fer à cheval et après quelques kilomètres on arrive à la roulotte à café, au pied de Benwiskin Mountain, que j'avais repérée en préparant le Road Book. Coup de chance, la dame en charge venait d'ouvrir et nous conseille le sens du circuit (sens horaire), qui donne la meilleure vue du cirque, de la presqu'île de Mullaghmore et de la baie de Donegal.
La montée sera interminable et face au vent, mais le point de vue extraordinaire, avec en prime une vue sur le château de Mullaghmore, ayant appartenu à Lord Mountbatten, et dont le portail à l'entrée est encore orné de la devise "Honni soit qui mal y pense", (devise de l'Ordre de la Jarretière, le plus important ordre de Chevalerie britannique).
La crête entourant le cirque est coiffée de nuages bas, poussés par le vent, et qui s'enfilent dans les crevasses ressortant plus bas en tourbillons. La grotte de Diarmuid et Grainne, personnages de légende du folklore irlandais, située juste sous la crête, est tantôt cachée, tantôt visible.
Arrivés pratiquement au fond du cirque, nous choisissons de redescendre par où nous étions arrivés, cette fois avec le vent infernal dans le dos. Double bonheur !
Arrêt à la roulotte à café pour thé chaud et sandwiches. La pluie a cessé et le vent est tombé.. Il y a même un peu de soleil..
Remise en route par la campagne, passant au pied des pentes verdoyantes de la montagne Benbulben. Tout près du restaurant d'hier soir on rattrape la N15 en direction de Sligo. Arrêt au petit cimetière de Drumcliff où est enterré W.B. Yeats, un des poètes majeurs de la littérature irlandaise. La fin de parcours jusqu'à Sligo se passe sans problèmes, hormis de devoir supporter le bruit de la circulation après tant de jours dans des endroits quasi désertiques.
Notre B&B est tout proche de celui de notre arrivée. Idéalement situé, non loin de la gare.
Dîner en ville, retour et préparatifs pour demain en espérant ne pas avoir de déconvenues avec les Chemins de Fer irlandais.
Les nuages s'enfilaient dans les crevasses. La tache noire, sous la crête, à droite, c'est la grotte
17 juin 2022. Sligo - Dublin - Cork - Cobh. Beaucoup de train, beaucoup d'attente... et peu de vélo.
Le petit déjeuner pris on se met en route vers la gare sous une averse...
Embarquement sans problèmes pour Dublin-Connolly. Voyage de 3h00.
A l'arrivée on descend les vélos par l'escalier pour atteindre le niveau de la rue. (L'escalator de montée est encore en panne).
Le trajet vers la gare de Heuston se fait sans soucis de l'autre côté de la Liffey. Beaucoup de circulation, mais nous avions 3heures pour faire un peu plus de 3km alors pas de panique !
Longue attente pour l'annonce du quai encore retardée, suite à un problème technique sur notre train.
A 15h10 c'est la ruée vers le wagon à vélos qui par chance est du style compartiment vide, ne nous obligeant pas à tout débâter. Fallait simplement trouver le moyen d'attacher les vélos à la paroi du wagon. Une barre aurait été bien utile Messieurs les Ingénieurs.
Le trajet se passe sans problèmes et on atteint Cork-Kent dans les délais prévus.
Ayant eu notre dose de train pour la journée on abandonne l'idée de faire Cork - Cobh par le petit train 'de banlieue', préférant un bon coup de pédales de la gare jusqu'à l'embarcadère du petit ferry de Passage West permettant la traversée vers Carrigaloe, de l'autre côté de la Lee.
Quittant la gare de Cork on est obligés d'emprunter une très courte section de N27 pas sympa du tout, puis la R852 qui nous mène à l'endroit où l'on avait dû quitter la VV à l'aller, cause travaux.
Autant le ferry d'Arran More était problématique à cause de ses horaires, autant celui de Passage West ne nous souciait pas, le dernier passage étant à 21h30. Vers 19h00 on traverse les quelques centaines de mètres du fleuve et à 19h30 on arrive au super B&B que Jenny avait réservé. Chambre avec vue sur la baie, magnifique !
Vélos rangés, douches prises on file au restaurant d'en face pour l'ultime Fish and Chips du voyage. Tout à coup, trois coups d'une très puissante sirène annoncent le départ du "bateau usine" pour une croisière autour des Iles Britanniques, attirant tous les clients du restaurant sur la terrasse arrière pour vivre l’évènement.
Petite marche digestive après le dîner pour admirer les rangées de maisons colorées vues si souvent du Ferry à l'arrivée à Cork ou au retour en France.
Samedi 18 juin 2022. Visite de Cobh et retour vers la France.
Pendant la traversée en ferry d'hier, une cycliste nous avait parlé d'un 'globe' suspendu dans la cathédrale. Curieux de découvrir ce que cela pouvait bien être, nous remontons la côte sous un grand soleil d'été.... et nous découvrons un spectacle époustouflant.
Suspendu à la nef de la cathédrale, par un câble invisible, un globe terrestre de 7m de diamètre tournait tout doucement, offrant aux visiteurs une vue de la terre, telle qu'un astronaute la voit de sa capsule spatiale. De temps en temps, une bande audio des échanges radio complétaient la présentation.
C'était si beau que cela en donnait la chair de poule. L'Homme était remis à sa juste place dans l'Univers : une poussière insignifiante à l'ego démesuré.. qui ferait bien de relire "La Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le Bœuf"...
Descente par les petites rues très actives et égayées par les façades multicolores. Un passage au Heritage Center dont un des thèmes principaux retraçait l'histoire de l'Irlande, la misère vécue sous l'occupation anglaise et l'exode massif vers les USA, qui en a été la conséquence.
L'autre thème abordé retraçait l'histoire du Titanic, dont Cobh fut la dernière escale avant la tragédie.
On aurait bien passé plus de temps à découvrir les autres trésors de Cobh, mais c'était l'heure de partir afin d'être dans les délais à l'embarquement du 'Pont Aven' à Ringaskiddy.
Contrairement à l'aller où tout avait été très rapide, la montée à bord des deux roues (motos/vélos) s'est effectuée après pratiquement tous les autres véhicules. Il était temps car on commençait à avoir froid sur l'immense aire d'attente.
On est six vélos ce soir : 2 jeunes Américains qui avaient concocté un plan-vélo complètement délirant; une jeune Irlandaise s'embarquant pour l'Eurovélo 6, direction Budapest ; un jeune Irlandais qui lui filait vers Chamonix faire de l'escalade.
On ne loupe pas la sortie du port et le passage devant Cobh, que l'on s'est promis de redécouvrir.
Par suite à une très forte demande et bien qu'ayant fait une résa très tôt, on se retrouve dans une cabine acceptant les animaux. Malgré un nettoyage particulier, une faible odeur de bête parfume "nos appartements". L'odeur disparaîtra rapidement.
Après avoir goûté plusieurs nouveaux whiskies au 'duty free', dîner au 'Flora', le restaurant gastronomique du navire, que l'on n'avait jamais vu si plein.. Beaucoup de choix mais service malheureusement un peu approximatif.
La traversée est un peu plus agitée qu'à l'aller.
Dimanche 19 juin 2022. Roscoff - Morlaix - Landerneau - Quimper - Vannes - Paris
Météo abominable dans le Finistère !
Le réveil, même à la harpe irlandaise, à 5h00 du matin, est toujours difficile, d'autant plus que la vue à l'extérieur n'était pas engageante. Ciel bas, plombé, rafales de pluie... On nous avait parlé de canicule en France les jours précédents, mais visiblement elle ne nous avait pas attendus.
Ayant été les derniers à embarquer et parqués dans le fond du bateau, on est les derniers à débarquer après une longue attente, mais au moins au sec. A l'arrière des files de voitures sur l'aire de débarquement on attend patiemment de pouvoir passer la douane, qui ce matin était aussi désagréable que la météo, les lecteurs de passeports et de cartes d'identité mettant un temps infini à valider les documents, nous laissant dehors à nous faire tremper.
Nous décidons de faire la route vers Morlaix ensemble car les quatre cyclistes de la veille allaient aussi dans cette direction mais ne connaissaient pas la route.
Deux Américains de l’État de New York avaient un plan vélo infernal à travers l'Europe. Dans un premier temps ils descendaient à Florence, après cela devenait plus flou. Une Irlandaise prenait l'Eurovélo 6 en direction de Budapest et son compatriote, lui, descendait à Chamonix faire de l'alpinisme..
Re-déguisés comme au Donegal, alors que, paraît-il, il y avait encore 40° hier, on met en route dans un premier temps vers Saint Pol de Léon où nous décidons de nous arrêter pour prendre un petit déjeuner. Les rafales de vent et de pluie nous rendent la vie difficile. On est bons 'à tordre' en arrivant au PMU de St Pol, seul établissement ouvert à notre arrivée. Croissants, pains au chocolat et café nous redonnent le moral.
Après des déluges de pluie jusqu'à Morlaix, heureusement sur une route majoritairement en descente ou à plat le long de la corniche, nous nous séparons sous le viaduc du chemin de fer.
Jenny et moi montons à la gare où nous pouvons enfin nous mettre au sec. Notre train vers Landerneau est annoncé avec une heure de retard suite à un incident technique causé par la tempête. A la fin du compte, c'est avec trois heures et demi de retard que nous quittons Morlaix, après deux TGV pour Brest qui étaient garés sur la voie opposée. L'incident avait été plus conséquent que prévu... A Landerneau nous réussissons à prendre le dernier TER du dimanche vers Quimper. Tous ces décalages nous laissaient 8 minutes pour charger Jenny, son vélo et ses sacoches, dans le train pour Paris, avec descente et montée d'escaliers pour changer de quai. Inutile de mentionner que les adieux furent brefs.
Malgré tout, tout est bien qui finit bien. Jenny arrivera à l'heure à Paris et moi idem à Vannes, où le soleil brillait depuis Lorient.
Le voyage, malgré les aléas et autres désagréments liés essentiellement au relief et à la météo (que les Irlandais eux-mêmes décrivaient comme particulièrement mauvaise pour la saison) fut un moment de grand bonheur. Paysages magnifiques, belles rencontres et privilège de passer ces 15 jours avec ma fille dont la capacité à endurer m'étonne à chaque périple.
Bravo Jenny !
Vers la fin du parcours, suite à l'expérience accumulée au Donegal, il nous a paru intéressant de lister quelques pensées qui n'ont d'autre but que d'aider nos amis cyclotouristes qui voudraient, à leur tour, tenter cette aventure.
-C'est une province peu peuplée, sauf en zones côtières et le long de certaines portions de routes nationales. Ceci affecte la disponibilité des hébergements.
-Pour une bonne préparation du trajet il est recommandé de se procurer les cartes de la série 'Ordnance Survey' Discovery Series, au 1/50000. (www.osi.ie)
-Les routes nationales sont accessibles aux vélos et très praticables, étant souvent équipées de larges bandes d'arrêt d'urgence. Leur relief est plus 'doux'.
-Les routes 'R', style départementales sont très pratiques, mais pas mal fréquentées et plus difficiles au point de vue du relief. Pas de BAU sur les côtés.
-Les routes 'L', petites routes rurales, serpentent à travers la campagne et offrent des paysages à couper le souffle. Elles sont aussi plus sécures pour les vélos mais l'état du revêtement peut être un gros handicap.
-Pour bien profiter de cette magnifique province et se permettre des haltes 'visites', prévoir des étapes de 35/40 km max. Ne pas oublier le vent et le relief ! Ne pas surestimer ses forces face aux éléments.
-Ne pas croire les temps donnés par Google maps mais utiliser cette appli pour vérifier les reliefs sur la route et ne pas hésiter à promener le bonhomme 'streetview' sur le parcours pour repérer les bifurcations etc.
-Toutes les stations-service ont un petit magasin d'alimentation. Il y a souvent des épiceries dans les villages.
-Ne pas oublier l'existence de 'midges' dans tous les endroits humides. Ces minuscules moustiques sont terriblement désagréables. Des sprays existent.
-Question hébergements, planifier rigoureusement le parcours et les étapes tenant compte des distances, de l'influence du vent, de la pluie toujours possibles et RESERVER les B&B bien avant le départ.
-Depuis la pandémie et plus récemment, la guerre en Ukraine, le nombre d'hébergements a fondu comme neige au soleil. Pas de campings au centre de la province, uniquement sur la côte...et attention aux éléments.
-Pays rude, demandant un bonne forme physique et un mental d'enfer, surtout face au vent et à la pluie, qui peuvent vite gâcher le séjour. Le VAE peut être une bonne option, ainsi que les voyages organisés, tels que ceux proposés par "Ireland by Bike".
Restant toujours à la disposition des cyclos, bonne route à tous !
Au petit déjeuner au PMU de Saint Pol. Face à Jenny, les deux Américains. Les Irlandais au 1er plan.