Paneuropa Radweg - Paris - Praha en vélo 3.2 Prague/Retour
Publié le 1 Septembre 2011
15 mai 2011. Kocanda – Prague, 95km
Temps exécrable une bonne partie de la journée, se dégage aux abords de Prague.
Via Dobriv, Strasice, Olesna, Komarov, Horovice, Lochovice, Neumetely, Vizina, Skuhrov, Svinare, Revnice, Cernosice, Radotin, le long de la Moldau, Velka Chuchle, et hôtel Rubicon à Prague !!
La pluie n’arrête pas de la nuit. Pas question d’aller calmer les envies avant le lever car l’expédition aurait nécessité de s’habiller en conséquence, rendant, de plus, l’exercice tout simplement impossible.. et mon poncho était dans la sacoche restée sur le vélo… attaché à l’arbre.
6h : lever et pliage du duvet et du matelas dans la tente, pour les garder au sec.. Pas mal de contorsions pour enfiler le tout dans le sac noir étanche sans mouiller quoi que ce soit..
Enfin debout, rangement fait, Rock’n’Roll bâté pour une nouvelle aventure.
La tente ruisselle. Tant pis elle est roulée dans l’état et mise dans son sac telle quelle, dégoulinante ! Habillés comme des pêcheurs bretons, on se met en route à 7h, laissant notre coin d’étang et les dormeurs dans leur datcha. Rien dans l’estomac à part un demi litre de lait, car tout aurait été trempé.
A Dobriv on essaie un estaminet : fermé. Idem à Strasice. On continue la route sous la pluie, traversant plaines et forêts. Tene, Olesna où une pancarte indique une déviation cause route coupée à Komarov. On continue quand même se disant qu’avec des vélos il y a toujours une possibilité de passage…
Arrivés à Komarov après une super descente qui n’en finissait pas, on est réellement coincés : le pont qui enjambe la rivière est coupé.
Pas d’autres possibilités que de remonter la côte, faire 20km de déviation, ou débâter et porter le matériel de l’autre côté en empruntant un gué en planches que les ouvriers utilisaient pour aller d’une rive à l’autre… (pas mal de jurons omis) !
Une voisine du pont est sortie. Elle a bien compris notre dilemme et a appelé son mari à la rescousse. Le brave homme a solutionné le problème en ouvrant une barrière fermée par un gros cadenas, nous permettant, après une petite montée, de passer de l’autre côté de la rivière par un autre pont. Merci ‘Voisin’ de nous avoir évité le pire !
Arrivés à Horovice, on trouve un bouge pour prendre un café. Des locaux étaient déjà affalés, ahuris, hébétés devant leurs bières, à refaire le monde…le café avalé, ce sera une séance de photos de l’ancien Palais du Peuple et de la mairie.
Des jeunes sortant d’un hôpital nous indiquent la route pour la suite et on se plante à un carrefour sans panneaux ; résultat : 4km de plus au compteur.
Déjeuner du dimanche dans un arrêt de bus en tôle ondulée à Skuhrov.
Le temps s’éclaircit un peu, nous mettant le baume au cœur : Prague devenait « faisable » avant la fin de l’après midi.
Longue route via une série de villages tristes jusqu’à Radotin. On longera ensuite la Moldau jusqu’à Prague, plein nord. Un panneau « Hlavni Mesto Praha » nous indique ( ?) notre arrivée. Après vérif, il signifie : Ville Capitale de Prague !!
A R R I V E S !!
Entrée en ville tels des extraterrestres, reluqués de toutes parts par les groupes de touristes dont certains même, (des Français abasourdis par notre voyage) nous demandent s’ils peuvent nous photographier. J’aurais bien signé des autographes, mais il nous pressait de trouver un hôtel, chose qui sera faite après un jeu de pistes,
1°, pour trouver le SI
2°, un établissement qui accepte aussi d’accueillir nos ânes de métal…
Après s’être frayés un passage à travers les supporters tchèques qui célébraient très bruyamment leur victoire au Hockey, face aux Russes, -surveillés par des Robocops- on trouve l’Hôtel Rubicon, idéalement situé en centre ville, dans une petite rue très calme.
Les sacoches sont montées dans la chambre et les vélos rangés dans la lingerie de l’hôtel.. –ce qui n’a pas forcément dû faire plaisir aux lingères…-
DOUCHE !!! change et tentes mises à pendre dans la cour par la fenêtre de la chambre..
Le voyage est terminé ; les costumes et le vélo rangés.. je redeviens un visiteur ‘lambda’, la tête moulinant le rêve accompli, toutes les expériences des 19 derniers jours : les paysages, les rencontres, les senteurs, les couleurs… le vent du NE… heureux et triste à la fois, mais satisfait d’être arrivé à bout des 1 591km de chemins, de routes, de pistes et de sentiers qui nous ont amenés de Paris à Prague.
16 mai 2011. Prague
Très beau temps. Quelques gouttes en fin de matinée. Vent !!!
Réveillés de bonne heure à 5h00, On lambine jusqu’à l’heure du petit déjeuner servi à partir de 7h00. Cela expédié, on enfourche les vélos débâtés, direction la gare principale pour acheter les billets de retour.
Passage préalable au guichet Information pour définir le trajet –avec vélos- . Coup de gueule d’un contrôleur aviné qui nous somme de sortir les vélos de la salle des billets.
Le trajet sera un Prague – Offenburg en train de nuit acceptant les vélos, puis un Offenburg – Strasbourg. On s’occupera de la dernière section une fois en France.
Départ 18h31 demain soir ; arrivée à Offenburg de très bonne heure mercredi et vers 08h00 à Strasbourg.
L’opération fut rondement menée par les employées revêches des chemins de fer tchèques : 20 minutes après on était ressorti, billets en poche.
Découverte de la ville en passant par les quais, le Pont Charles avec sa multitude de statues pieuses et noires… montée vers le Château et visite des abords : pas prudent de laisser les vélos sans surveillance.
Un café : je fais sauter les plombs de l’établissement avec le sèche-mains électrique !
Ils semblent habitués ; le courant est rétabli illico.
Retour par d’autres quartiers fabuleux.. Prague se regarde en levant la tête, ce qui peut être un exercice périlleux aux carrefours et à l’approche de trams… Tout est magnifiquement décoré, doré. Les immeubles sont tous plus beaux les uns que les autres : l’architecture est délirante… On voudrait tout photographier !
Retour à l’hôtel pour poser les vélos et repartir à pied acheter des cartes.
Cela fait, préparatifs des sacs et sacoches. Je replie ma tente dans le large couloir de l’étage et mets la bâche à pendre à la fenêtre…
Dîner dans un Italien et retour pour se coucher..
17 mai 2011. Prague.
Très beau temps !
Super nuit, dos reposé. Pas de douleurs…On se met en route après avoir descendu tous les sacs dans la salle à bagages (et fait d’amples provisions de sandwiches pour le voyage de ce soir, dans la salle du petit déj..)
Direction l’Ambassade/Consulat de la République pour tenter d’obtenir un ultime tampon attestant notre présence à Prague.. Superbe ‘fresque’ de graffitis devant le l’Ambassade. Au Consulat, situé dans la rue derrière, je sonne et on nous ouvre sans nous poser la moindre question.
Un employé derrière l’hygiaphone écoute notre demande et prend nos carnets pour y apposer un tampon minuscule… Mission accomplie ! Merci Monsieur l’employé du Consulat.
Nouvelle ballade dans le quartier Hradcany : château, cathédrale, photos des bas reliefs ornant la porte montrant divers travaux de construction, quelques achats.
Retour par le Pont Charles, bondé de touristes à cette heure. Jardins du Sénat.
Passage dans un excellent Italien non loin de notre hôtel pour conclure la matinée.
Attente à l’hôtel, attente, attente…
Deux jours ont suffi pour voir l’essentiel. Les musées, ce sera pour une prochaine fois. Le vélo est super ici car la ville est étendue.. A pied on n’aurait pas pu tant en profiter.
A 16h00 on bât les mulets et on se rend à la gare pour une nouvelle attente jusqu’à 18h31.
A maintes reprises on vérifie le tableau des départs. Le 18h31 s’affiche enfin, mais il porte un autre numéro. Un charabia incompréhensible relatif aux correspondances défile dans la case d’à côté mais on devine quand même que c’est bien le notre !
Quai 7 s’affiche : on fonce. Ouf, escalators pour atteindre le quai. Des bras charitables nous assistent pour monter les mulets dans le wagon à vélos..
On débâte en vrac, Rock ‘n’Roll et Mout Mout sont accrochés par la roue avant, face à face.. grosses suées, mais la Deutsche Bahn est organisée et rapidement tout rentre dans l’ordre. Nos places –dos au sens de marche- sont dans un autre wagon, à côté.
Dans 12h on sera à une encablure de Strasbourg…
Prague – Offenburg
Ce train de nuit nous fait passer par un bon bout d’Allemagne commençant par une remontée au Nord pour suivre la Moldau via Litomerice, Usti Nad Labem.. passage frontière à Bad Schandau. La vallée de l’Elbe, côté allemand, juste au-delà de la frontière CZ s’enfile dans une vallée de grosses roches coiffées par des sapins et des bouleaux. Magnifiques maisons bordent la berge opposée ; vignes ; une belle piste cyclable aussi –a explorer !
J’arrive à capter une ou deux vues du soleil couchant sur la rivière.
Le trajet continue via Dresde, Leipzig, Naumburg, Weimar, Erfurt, Fulda, Frankfurt, Mannheim, Heidelberg, Bruchsal, Durlach et Offenburg: interminable !
22h30 : à quelques km de Leipzig, je déménage dans le wagon à vélos tant le siège est inconfortable. De plus, le type devant a affalé son dossier au max, m’emprisonnant dans mon siège.
Ok avec le contrôleur, je m’installe pour la nuit, couché à même la moquette du compartiment à vélos. Ma tente me sert de traversin.. Un peu triste le retour, mais super place pour s’étaler ; bon pour le dos.
Rock ‘n’Roll et Mout Mout sont devant moi, pendus par leur roue avant, tous les sacs entassés en dessous.
A minuit, j’en profite pour faire de la mécanique : graisser ma béquille qui était devenue dure à la manœuvre.. Pas de problèmes pour déballer les outils et l’huile : j’avais tout le wagon pour moi.
Dormi ensuite une heure ou deux mais, malgré les couvertures de la DB, suis réveillé par le froid : le wagon à vélos n’était pas chauffé.. Retour au siège initial, quelque peu dans le coaltar..
Au petit, petit matin le train passe CNH Heidelberg puis Bruchsal et Durlach.. probablement sur la voie juste derrière le camping où on s’était arrêtés une dizaine de jours avant.
06h20 : Arrivée à Offenburg, changement de quai à l’aide de super ascenseurs pour prendre un ‘Pendolino’ diesel à wagon unique qui nous mène à Strasbourg ‘Gare Centrale’, monsieur !
A Strasbourg, capitale européenne, l’ascenseur fait 30cm de moins que la longueur des vélos, nous obligeant à descendre nos mulets bâtés par les escaliers, une marche à la fois.
Il y a de la place pour les cyclistes et leurs montures dans le TGV de 08h16. Nos vélos voyageront avec nous dans un wagon, juste derrière la motrice. Une fois de plus on doit tout débâter car la place est limitée…
Arrivée Paris à 10h34.
Cette fois le voyage s’achève, mais sous un ciel bleu et un soleil qui rendent la situation un peu moins triste. Mout Mout et Rock ‘n’ Roll se disent adieu sur le quai et tel le cowboy Marlboro, Daniel disparaît dans la foule pour quelques ultimes coups de pédale vers Montparnasse où il prendra un ‘Paris- Rennes’ en début d’après-midi.
Le long du canal St Martin, durant ces tous derniers kilomètres qui me séparent de la maison, les trois semaines de voyage défilent et tourbillonnent dans ma tête, dans un joyeux désordre:
la paisible campagne tchèque…Lidl, Netto et les autres..les colzas en fleur..le parfum des acacias, des lilas..Les canaux, la Marne, l’Elbe, la Moldau…les vieux villages usés et vides..les maisons pastel..la tristesse de la Champagne..les jeunes de la Ferté..les datchas..les rencontres généreuses..Plzen..le soleil et la pluie..La Bretonne de Remungol..le camping de Villey..le VENT du NE..Max et Thomas..Bernard et sa Mobylette..l’anniversaire à Rokysany..L’Alsace et la Lorraine..les Allemands et leurs voitures..les grévistes des VNF.. le froid et la rosée du matin..Strasbourg..le doute du premier jour..les levers aux aurores..les bivouacs..le Monte Kaolino.. Zum Waldhorn.. Stribro..la tente pliée trempée..les petits déj au muesli..Nürnberg.. la chaleur du duvet.. les halages.. le bâtage des mulets.. les sentiers empruntés..les levers de camp ..les vélo-routes allemandes..le Pendolino..l’écluse de Bauzemont..Chartres de Bretagne.. les futurs mariés..Cugnot.. le kebab de Mommenheim.. les forêts tchèques..la Kocher Jagst Radweg..le stade Zeppelin..les lessives..Jean Claude à Châlons..les repas du soir..la côte de Langenburg..mon tabouret..les contre-jours..les merles, les hérons, la biche et les canards..Schwäbisch Hall.. les fleurs des champs..les grands arbres sombres.. Gigl..les senteurs du matin.. le panneau Praha.. les boulangeries allemandes..l’armée américaine..la gare de Borek, les ruches aux champs.. les offices de tourisme..la liste à revoir..Rothenburg..les cumulus de beau temps..les montées interminables..les pissenlits et les boutons d’or..les panneaux solaires..les vapeurs sur le canal..les brises de beau temps..le pousse pousse quotidien..Tillyschanz..le verger de Waltenheim.. les saucisses et la bière..la Suzanne..Prague ville magique..Gehrardt à Lowenstein..un nouveau rêve accompli..
... trois semaines qui avaient tant sollicité mes sens qu’elles paraissaient totalement irréelles..
Mais mon précieux « Carnet de Pèlerin », rempli de 71 tampons, les 69 pages de notes de mon journal quotidien et les 1 200 photos prises tout au long de la route empruntée sont là, comme un pincement au bras, pour me rappeler que si j’avais vécu un rêve, mon voyage lui aussi, avait bien existé !
La preuve !
18 mai 2011. 10h45, Paris Gare de l’EST… La boucle est bouclée…
….Rock ‘n’Roll m’annonce la fin de ses services !
Il a bien roulé : je lui accorde un repos mérité..